[Largo Winch. T. 15, Les trois yeux des gardiens du Tao | Philippe Francq, Van Hamme]

Pourquoi Daniel Craig dans Casino Royale est-il touchant alors que Largo Winch dans Les trois yeux des gardiens du tao laisse-t-il indifférent ? La BD de Francq et Van Hamme lorgne bien du côté de James Bond mais là où le personnage de Ian Fleming prend du galon, celui du tandem se lance vers le double zéro pointé. Le petit Yougoslave orphelin pris naguère sous la coupe de Nerio pèse maintenant quinze ou vingt milliards de dollars mais il n'est "pas aussi fort qu'on le croit". Il ne rencontre pas seulement des fantômes, il retourne en arrière vers ses cauchemars. Wong, le chef du camp chinois au Tibet, est le point d'orgue du premier volet (de bois vert). Il faudra attendre une année supplémentaire pour connaître le dénouement déjà intitulé La voie et la vertu. Tout un programme sous le signe du dollar ! En attendant, Largo, torse nu, se pèle à Lhassa après être passé par Saint-Tripettes, Saint-Trolley, Saint-Tropé, "où quelque chose comme ça" ainsi que l'ânonne Miss Apfelmond. Ceci dit, certaines planches sont joliment travaillées à l'exemple de la page 10 lorsque le pigeon se fait intercepter par le faucon pèlerin, des pages 16 et 17 avec la course-poursuite à Saint-Tropez ou encore les pages 42-43 montrant une fuite nocturne en voiturette. La mise en couleur de Fred Besson est réussie. Le tout se lit sans déplaisir, rapidement et ne laisse aucun souvenir alors que la scène où Daniel Craig lave en silence son visage meurtri s'incruste dans la mémoire. Certaines images usées jusqu'à la trame peuvent faire miraculeusement peau neuve quand l'émotion est contenue et la surenchère jugulée. Les clichés quant à eux ont la peau dure. Ils n'arrivent pas à occulter la faiblesse d'une histoire banale ressassée à l'envi. Pourvu que Van Hamme ne finisse pas sa carrière de scénariste en papa gâteau ! Son nom et sa production peuvent parfois prêter à confusion.

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