Cet ouvrage recueille une série de textes, articles, conférences, essais, discours rédigés entre 1925 et 1948, en Allemagne, puis en exil, par Klaus, le fils aîné de Thomas Mann, qui apparaît ici comme un farouche opposant au régime nazi, dès la première heure et jusqu'à ce qu'il ne contribue à la réflexion sur l'Allemagne post-nazie.
L'historiographie s'écrit dans le recul, avec la connaissance de ce qui adviendra. En revanche, ces documents nous révèlent quelles furent les observations, les interrogations, les doutes, les prémonitions, les rectifications d'opinion imposées par le déroulement des événements au fur et à mesure qu'ils se produisaient. D'une manière évidente, cette dynamique d'intelligence progressive du phénomène totalitaire nazi possède un avantage incomparable par rapport à l'historiographie : elle paraît transposable à des phénomènes analogues qui seraient en train de se reproduire dans d'autres contextes et à un siècle d'écart. Une lecture superficielle pourrait consister à simplement s'étonner de la clairvoyance de cet homme pourtant si jeune, fils d'un écrivain déjà été couronné par la plus haute distinction (le prix Nobel décerné en 1929), lequel néanmoins, politiquement, fait preuve d'une plus grande lucidité, audace et pugnacité que son père. Klaus Mann est sûr de lui au point de se comporter avec une arrogance inouïe devant son aîné Stefan Zweig. Cependant, au fil du temps, alors que la plupart de ses anticipations s'accomplissent, que ses analyses sur le nazisme profilent les contours de ce que nous connaissons aujourd'hui – car l'historiographie successive nous l'a appris – Klaus Mann se questionne, il change d'avis, par ex. sur la question cruciale de savoir combien d'Allemands soutiennent effectivement et activement le régime en 1933, en 1938, en 1941, en 1945... Sa maturation est évidente bien que son intransigeance soit inchangée.
L'auteur adopte aussi, dans sa singularité et en dialogue avec différents interlocuteurs, une position évoluant selon son propre statut : celui d'opposant avant la prise du pouvoir de Hitler, d'exilé dès 1933 et membre de la nombreuse communauté d'émigrés allemands qui est progressivement de plus en plus divisée, d'apatride puis de ressortissant d'un pays qui entre en belligérance avec l'Allemagne, enfin d'engagée dans l'armée américaine ayant des responsabilités dans la communication en tant que correspondant envoyé dans son ancien pays d'origine après la capitulation. En d'autres termes, il dialogue tour à tour avec des compatriotes qui ne partagent pas ses opinions, avec d'autres membres de la diaspora, avec des citoyens de son pays d'accueil, avec des prisonniers de guerre allemands, avec des Allemands restés sur le sol du Reich durant les 12 années du régime.
La sélection des textes – triés à partir d'un corpus de cinq volumes et plus de deux mille pages et traduits de l'allemand et de l'anglais par deux traductrices – outre qu'offrir une facette inédite de l'auteur – romancier et diariste – montre en somme toute la trajectoire d'une lutte politique menée inlassablement et probablement conçue comme la mission de sa vie, étant donné que l'auteur s'est donné la mort en 1949, un an après le dernier texte reporté (où il était question d'un roman qui ne vit pas le jour) : c'est donc un hommage posthume qui lui est rendu ici.
Table [avec appel des cit.]
1925 :
Le premier jour
1930 :
Réponse à une enquête menée auprès de jeunes écrivains sur leurs tendances artistiques
Jeunesse et radicalisme : une réponse à Stefan Zweig [cit. 1]
1931 :
Est-ce l'avènement du « Troisième Reich » ?
Ne rien faire...
1932 :
Jumeaux de pathologie sexuelle
1933 :
Munich, mars 1933
Culture et « bolschevisme culturel »
Lettre à Gottfried Benn
Réponse à la « réponse »
'Die Sammlung'
Gottfried Benn ou l'avilissement de l'esprit
Réponse aux attaques contre la revue 'Die Sammlung'
88 au pilori
À l'intérieur et à l'extérieur
Dimitroff
Esprit de logique [cit. 2]
1934 :
Dentistes et artistes
Que plus personne ne se taise !
La crise de conscience des catholiques allemands
On ne veut plus que je sois allemand
Chaque fois qu'ils ouvrent la bouche
La guerre et la Sarre
Il faut prendre position !
1935 :
Soyez de bons Allemands, battez Hitler !
La défaite et nous : lettre à une amie déçue
À l'actrice Emmy Sonnemann-Göring
PEN-Club
Le combat pour la jeunesse [cit. 3]
Appel aux amis
1936 :
Pour la paix
Les intellectuels allemands ont-ils failli ? [cit. 4]
L'enjeu du combat
1937 :
Réalité allemande
Les esprits se départagent
L'Allemagne et le monde
1938 :
Culture et liberté
Le héros
De retour d'Espagne
Nous devons faire nos preuves
1939 :
Le Reich et les minorités allemandes
Après la chute de Hitler. Contribution au débat
Aux écrivains du Troisième Reich [cit. 5]
Le suprême coup de bluff
Le jeu trouble de Staline : lettre à l'éditeur du 'New Leader'
L'opposition allemande et la guerre
L'esprit de tolérance
1941 :
Une éducation au service de la paix
Déclaration à l'entrée en guerre des États-Unis
1943 :
L'éducation de l'Allemagne [cit. 6]
1944 :
La croisade de la croix gammée
« Après nous le déluge... »
Deux Allemands
Considérations sur les prisonniers de guerre
Conférence après la guerre
Remarques sur la rééducation des Allemands [cit. 7]
1945 :
Time to Surrender. Pourquoi les Allemands continuent de se battre
Hitler est mort [cit. 8]
Notre mission en Allemagne
Göring fait appel à la compassion
Il n'y a pas de retour [cit. 9]
Un camp de concentration présentable
Tous les Allemands sont-ils des nazis ? [cit. 10]
1946 :
Trois maîtres allemands
Art et politique
La coqueluche de Berlin
1948 :
Je ne suis pas un Allemand
Cit. :
1. « Ainsi donc, Stefan Zweig, je répudie devant vous ma propre génération, ou tout au moins cette partie de ma génération que vous, justement, vous excusez. Entre ces gens-là et nous, aucune alliance n'est envisageable ; d'ailleurs, ils seraient les premiers à repousser à coups de matraque tout rapprochement avec nous. La psychologie permet de tout comprendre, même les coups de matraque. Mais cette psychologie-là, je ne veux pas la pratiquer. Je ne veux pas comprendre ces gens-là, je les rejette. Je me force à affirmer – bien que cela aille complètement à l'encontre de mon honneur d'écrivain – que le phénomène du néonationalisme hystérique ne m'intéresse même pas. Je le considère purement et simplement comme dangereux. Voilà en quoi consiste mon radicalisme.
La génération de 1902 pouvait dire : La guerre, ce sont nos parents. Mais qu'en serait-il si la génération de 1920 devait dire : La guerre, ce sont nos frères ? C'est alors que nous devrions avoir honte au plus profond de nous-mêmes d'avoir appartenu à une génération dont le pressant besoin d'action, c'est-à-dire de radicalisme, aurait viré d'aussi effroyable façon et se serait transformé en quelque chose d'aussi négatif. » (p. 22)
2. « Chaque jour, ce peuple infortuné doit entendre le mot "honneur" hurlé un millier de fois par ceux qui n'ont pas la moindre idée du sens de ce terme. Il n'y a pas un principe valide, pas un point fixe auquel se raccrocher, ami ou ennemi. Ils mystifient l'Europe et le monde de la même façon qu'ils mènent leur peuple par le bout du nez au lieu de le diriger. Autrement dit, ils mentent. Les serviteurs de Wotan redeviennent des chrétiens quand cela se révèle plus commode, les adorateurs de la guerre sont des amis de la paix, les révolutionnaires sont réactionnaires ou inversement. Dans cette bouillie gélatineuse de mensonges et de confusion délibérée et pernicieuse, une seule tendance reste claire et sans appel : leur soif de pouvoir, qui croît de manière terrifiante. Au nom du pouvoir, ils sont prêts à trahir toutes les théories dont ils se servent pour arriver au sommet. Voilà pourquoi il ne vaut pas la peine de discuter avec eux, pas même avec les meilleurs d'entre eux. Ils sont aussi peu solidaires de leurs doctrines démentielles que de leurs méfaits. À quoi sert de débattre avec ceux que l'on ne peut réfuter qu'en se montrant plus fort qu'eux ? » (pp. 69-70)
3. « Le fascisme asservit les faibles, il corrompt les opportunistes, mais il séduit et conquiert aussi les déçus du capitalisme et de la grande bourgeoisie – qui se caractérisent par l'appât du gain, le manque d'intérêt, de rayonnement, d'élan et de liberté. Beaucoup de jeunes portaient en eux des aspirations et des tendances que leur nature et leur orientation originelle nous incitent à qualifier de révolutionnaires ; ils se révoltaient en effet contre un ordre mauvais, ils voulaient démolir, et ils voulaient reconstruire.
Ces aspirations et ces tendances ont pu être captées et corrompues par le fascisme. Il éblouissait les jeunes âmes par des formules magiques de bonheur, il étourdissait leur esprit critique dans un incessant vacarme de fête. Il leur offrait le "pathos héroïque" – et personne, bien sûr, ne devait s'enquérir du but vers lequel cet héroïsme devait tendre : la réponse ferait tomber toutes les illusions. C'est pourquoi cette question a été taxée de "criticomanie intellectualiste" ; l'héroïsme, lui, est promu au rang de fin en soi. Une fois que le fascisme s'est emparé d'un jeune, d'un esprit réceptif, il ne relâche plus son emprise. Il le tient – en partie par la force, en partie par les artifices grossiers mais efficaces dont il use en permanence. Il promet tout à la fois, et à chacun ce qu'il voudrait entendre ; par exemple, en ce qui concerne ce jeune révolutionnaire, il lui promet précisément ce que, faute de buts rendant la vie digne d'être vécue, son âme passionnée réclame de toutes ses forces : le sacrifice de soi. » (pp. 111-112)
4. « Les professeurs ont souvent été soumis à une pression intense de la part de leurs étudiants. On sait en effet que les doctrines national-socialistes n'ont trouvé nulle part un terrain aussi favorable que parmi les jeunes étudiants. Cela peut expliquer le fâcheux comportement de certains érudits – mais en aucun cas les excuser. Ils pensaient "suivre la jeunesse", alors qu'ils suivaient les nazis. Aujourd'hui, cette excuse ne devrait plus être valable. Car beaucoup de jeunes gens dignes de foi qui arrivent d'Allemagne m'assurent que ce sont justement les étudiants qui sont le plus écœurés et déçus par les nazis. Les jeunes en auraient pour la plupart assez de défiler sans cesse et de ne rien apprendre. Après une longue période de mépris pour les choses de l'esprit, il semblerait qu'une certaine nostalgie se fasse sentir chez les jeunes Allemands [...] » (p. 137)
5. « On nous regardait avec méfiance et on nous faisait reproche de notre "humanisme européen", qu'on disait désinvolte et dépourvu de passion. Et en vérité, une pointe de scepticisme se mêlait à notre volonté de progrès. La "passion" – quand nous en avions – nous la réservions aux affects qui se situaient en dehors de la sphère politique.
Il me semble aujourd'hui que ce n'est pas ce que je pensais et voulais naguère qui était faux ; mais je ne le pensais, ni ne le voulais avec assez de force et d'ardeur. Qu'est-ce qu'une "opinion" et quelle valeur a-t-elle ? Elle n'a de poids et d'efficacité qu'au travers de la personne qui la représente. Transformer une "opinion" en "conviction" exige notre engagement total. » (p. 215)
6. « Cela fait longtemps déjà qu'il est devenu absurde de prétendre que la majorité du peuple allemand désapprouve résolument, fût-ce en secret, le gouvernement qu'elle a choisi. La plupart des exilés antinazis (moi y compris se sont complu dans cette erreur réconfortante jusqu'à ce que l'évolution des événements ne nous serve de douloureuse leçon. Chaque mois qui s'est écoulé depuis septembre 1939 a détruit un rêve de plus. Ce n'est pas contre les dirigeants nazis que les Allemands ont tourné leurs armes mais contre les paysans et les ouvriers de Pologne et de Russie, de Norvège et de Grèce, de France et des Pays-Bas, de Belgique et de Yougoslavie. Ils n'ont pas fraternisé avec les peuples martyrisés des pays envahis, ils ont exécuté les ordres de Hitler avec l'horrible précision de robots monstrueux et dépourvus d'âme. Ils se sont faits le fléau d'un continent, ils sont devenus un danger pour le monde. À l'heure actuelle, on les déteste des fjords norvégiens jusqu'en Crète – même les armées d'occupation de l'empire espagnol ou les Huns sanguinaires n'ont pas suscité une haine aussi féroce et implacable. […
Il ne fait aucun doute que les peuples qui souffrent et périssent présentement sous le joug des nazis abominent les Allemands dans leur ensemble et pas seulement leur régime. Toutefois cela n'est pas vrai de l'opinion publique en Grande-Bretagne ou ici [aux États-Unis]. […] Le monde anglophone mène cette guerre avant tout contre les nazis, pas contre les Allemands, et ce malgré la complicité du peuple allemand dans les atrocités nazies. » (pp. 257-258)
7. « Tous mes contacts avec les prisonniers allemands ont confirmé de fait décourageant. Neuf soldats sur dix vous disent – non sans une certaine fierté absurde – qu'ils ne s'intéressent pas à la politique et ne s'y sont jamais intéressés. Ils n'ont pas la moindre idée, ni même la moindre curiosité concernant la forme de gouvernement que l'on pourrait établir en Allemagne après la chute de Hitler. Quand on leur pose la question, ils répondent de manière stéréotypée : "Ça m'est égal du moment que ce n'est pas le communisme !" (À ce propos, il est inutile de préciser qu'aucun d'entre eux ne pourrait expliquer ce qu'est réellement le communisme.) Certains prisonniers allemands m'ont déclaré qu'ils n'auraient rien contre une sorte de monarchie ; mais quand j'essayais de découvrir s'ils avaient en tête un prétendant particulier, ils se contentaient de hausser les épaules sans même pouvoir se rappeler le nom des Hohenzollern.
[…]
Les Allemands devront apprendre les rudiments de la conscience et de la responsabilité sociales – l'abc d'une existence véritablement civilisée et démocratique. » (pp. 282-283)
8. « Terreur et mensonges étaient les accessoires habituels de ce régime ; la guerre en était la conséquence inéluctable. Le Troisième Reich a évolué logiquement et continuellement dans le sens de sa propre loi interne et immanente – depuis la mobilisation totale jusqu'à la destruction totale. Même si Hitler avait réussi à conquérir l'Angleterre, la Russie et les États-Unis, le combat aurait continué. Il se serait trouvé un autre ennemi. Il était décidé à continuer de se battre tant qu'il y avait quelque chose à détruire.
Il aurait été facile de déjouer la farce tragique de l'aventure hitlérienne – aventure dévastatrice et dépourvue d'objectifs. Les Allemands auraient pu le mettre à la porte quand ils le voulaient, même après avoir commis l'énorme erreur de le choisir comme chef. Et jusqu'en 1938, les démocraties auraient pu l'empêcher d'agir sans risquer un conflit armé. Mais de manière incompréhensible, elles le laissèrent faire. Pendant qu'il mobilisait toutes les forces de l'Allemagne pour lancer son attaque massive sur le monde civilisé, le monde ne bougea pas – paralysé par l'autosatisfaction et l'inertie.
La crise provoquée par Hitler était donc peut-être une leçon nécessaire, même si elle fut cruelle et dispendieuse. Il n'y a qu'un moyen d'empêcher que ne se reproduise une telle catastrophe : une solidarité parfaite et l'organisation soigneusement planifiée de la paix à l'échelle mondiale.
Dans un monde sans unité et sans détermination morale, chaque aventurier dépourvu de scrupules peut détourner à des fins destructrices les moyens mis à sa disposition par la technique moderne et la propagande. Pour cela, nul besoin qu'il soit un surhomme diabolique ou un génie du Mal. Hitler n'était ni l'un ni l'autre. Il était simplement d'une méchanceté peu commune et un peu cinglé. » (p. 298)
9. « Ma chambre aussi avait été rétrécie. Seul le balcon était resté inchangé, à l'exception d'une étagère pour les fleurs et du matelas de la femme. Tout avait l'air propre et rangé. Je le lui dis et elle rougit légèrement.
"Merci, fit-elle, je suis vraiment bien ici – tant qu'il ne pleut pas."
J'avais le sentiment de lui devoir une explication pour ma curiosité. Je mentionnai donc aussi innocemment que possible que j'avais connu les précédents propriétaires de la maison.
"Le vieux conseiller privé Siebert ? S'exclama-t-elle. J'étais sa secrétaire. C'est pour ça que je connais la maison."
- Non, répliquai-je, Siebert a dû habiter là après mon époque."
Elle me regarda d'un air perplexe. Après un moment de silence, elle reprit : "Vous n'allez tout de même pas me dire que vous connaissiez les S.S. qui logeaient ici avant l'arrivée de Siebert ?"
- Quels S.S. ? demandai-je Que faisaient-ils ici ?
Avec une simplicité tranquille, elle expliqua :"Eh bien, ils ont tout bonnement pris la maison. À l'origine, elle appartenait à un écrivain. Mais il ne s'entendait pas avec les nazis. Alors il a quitté le pays ou il a été envoyé dans un camp de concentration. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé. En tout cas, tout de suite après son départ, la maison a été occupée par les S.S. et leurs filles."
Leurs filles ? Notre maison avait-elle servi de bordel nazi ? Mais mon interlocutrice déclara que les femmes qui partageaient les chambres des troupes d'assaut en uniforme noir n'étaient pas du tout des prostituées ordinaires.
"Je crois qu'elles se voulaient patriotes, dit-elle avec un sourire dépréciateur. Vous savez bien, la propagation de la race nordique, etc. Le Führer souhaitait qu'elles aient des enfants avec des hommes de qualité raciale supérieure. Alors elles venaient dans cette maison et accomplissaient leur devoir avec les types de la S.S. dûment choisis. Elles accouchaient ici. Tout était très hygiénique. Ce n'était pas un bordel, s'il vous plaît ! Plutôt une sorte d'usine à bébés."
Elle avait parlé avec un grand sérieux. Du reste, elle n'était pas le genre de fille à plaisanter. » (pp. 313-314
10. « Il est possible que l'interdiction temporaire de toute vie politique dans le Reich soit la meilleur méthode pour garantir et accélérer la dénazification en Allemagne.
Reste à savoir si cette méthode est effectivement la meilleure. L'auteur de cet article, par exemple, se demande si la "ligne strictement apolitique" soutenue par le gouvernement militaire américain en Allemagne est réellement opportune ou nécessaire du point de vue des Alliés. À cet égard, la politique russe paraît plus constructive et plus réaliste. Des dépêches récentes de Moscou et de Berlin font état du rétablissement de partis allemands antinazis qui avaient été dissous ou s'étaient réfugiés dans la clandestinité lorsque les nazis avaient pris le pouvoir. Dans le même temps, nous apprenons l'interdiction de groupes politiques similaires en Bavière et en Rhénanie. Si les Russes ne craignent pas que les organisations antinazies puissent être infiltrées par des éléments nazis, pourquoi serions-nous incapables de déjouer ce genre de tentatives ?
Les antinazis allemands – ceux qui sont sincères et fiables ! - pourraient nous être très utiles si nous le voulions. Mais nous ne le voulons pas. Nous leur disons seulement qu'ils n'ont pas le droit de formuler des exigences. Or le nazisme et le fascisme peuvent-ils être définitivement éliminés en Allemagne et en Europe sans l'aide de leurs adversaires allemands ? » (pp. 323-324)
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