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[Le père et la nouvelle paternité | Jean Le Camus, Moniq...]
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Posté: Mar 26 Sep 2023 15:25
MessageSujet du message: [Le père et la nouvelle paternité | Jean Le Camus, Moniq...]
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[Le père et la nouvelle paternité | Jean Le Camus, Monique Eizenberg]

L'avènement du « nouveau père », depuis le troisième quart du XXe siècle, qui est encore partiel et non généralisé, a été confronté à deux questions qui rompent avec un paradigme patriarcal pluriséculaire concernant le rôle du père : 1. l'opportunité ou non de l'engagement paternel précoce pour le développement psychique de l'enfant (avant ses 7 ans, voire dès la conception) ; et 2. la différence ou bien l'interchangeabilité des rôles paternel et maternel. Ces problématiques, nées du travail féminin non-domestique de la maîtrise de la fécondité, avant même que par l'avancement des réflexions scientifiques, ont été mises à l'ordre du jour par des évolutions sociétales : les revendications féministes d'égalité dans le partage des soins parentaux dès Mai 68 ; la proportion significative et croissante des séparations des couples, comportant pour de nombreux pères une demande de garde alternée ; enfin, la situation de parentalité ou sa possibilité technique grâce à l'assistance médicalisée dans le contexte des nouvelles configurations familiales : monoparentalité, homoparentalité, pluriparentalité.
Les auteurs de cet essai sont un universitaire spécialiste du développement du petit enfant et une psychanalyste exerçant comme psychologue clinicienne : par leur dialogue, qui constitue le premier travail interdisciplinaire sur la paternité, ils donnent les résultats les plus actuels (2022) d'une réflexion dans des disciplines qui ont longtemps semblé être à la traîne des métamorphoses de la société, campées respectivement sur l'insuffisance de l'expérimentation ou le manque de recul par rapport aux expériences de vie pour l'une, et sur une lecture conservatrice du corpus freudien et post-freudien pour l'autre.
La première partie de l'ouvrage est consacrée au modèle classique (1950-1975) selon lequel la psychiatrie de l'enfant séparait complémentairement l'amour maternel à l'autorité paternelle, et continuait de fixer l'âge d'intervention du père aux 7 ans de l'enfant (surtout du fils...), année fatidique attestée depuis le Moyen-Âge en Occident (et dans plusieurs autres cultures, à ma connaissaince) ; la psychanalyse, quant à elle, était classiquement fondée sur la théorie de la triade œdipienne dans laquelle était dévolue au père la fonction de séparation. Plus tard, les « théories de l'attachement » laissèrent quelque peu dans l'ombre la figure paternelle, qui ne fut ensuite valorisée qu'avec Lacan, mais dans un discours de déclin du « nom-du-père » et de la « fonction symbolique » de celui-ci.
La seconde partie, « L'entrée en scène des pères précoces, directs et chaleureux : un électrochoc », après le constat du retard des sciences humaines vis-à-vis du féminisme, des phénomènes sociaux et culturels et même du droit, fait état des recherches comportementalistes sur les interactions parents-enfants dès le plus jeune âge et démontre l'importance de l'implication précoce du père dans la socialisation et notamment la construction de l'identité sexuée de l'enfant : ces recherches remontent à la moitié des années 1980. La psychanalyse, pour sa part, s'interroge sur l'ambivalence des sentiments parentaux et sur les difficultés des parents à s'inscrire dans la parentalité, en relation avec leur propre enfance. La différenciation du père et de la mère est affirmée avec insistance, malgré la variété des configurations familiales, en raison des observations effectuées sur les pères ayant des relations différentes avec leurs fils et leurs filles (sans doute pourrait-on généraliser sur la différenciation des relations deux parents avec les enfants du même sexe vs de sexe opposé) ; néanmoins la dyade père-autorité/mère-amour est progressivement abandonnée.
La troisième partie développe l'acceptation progressive du principe de mettre « Les besoins de l'enfant au cœur de la parentalité », à la place des anciens rôles parentaux. Ces besoins (cf. cit. 5), se caractérisent de façon évidente par leur nature non genrée, leur prise en charge défectueuse constituant une carence affective et non un problème de genre. De même, la notion de « caregiver » s'impose, qui, elle aussi, est intrinsèquement neutre. Le discours sur l'autorité parentale, son partage et sa fonction, se reflète aussi, en France, dans la loi du 4 mars 2002. En parallèle, l'idée commence à avancer que, quelle que soit la configuration familiale, l'enfant (garçon ou fille) disposera à proximité de « figures masculines ou féminines qui assureront honorablement la "fonction paternelle" ou la "fonction maternelle" » (p. 138). Cette partie se termine par une très brève présentation des nouvelles formes de parentalité.
Suivent un chap. 8 intitulé : « Si le père m'était conté », contenant un cas clinique présenté sous forme de conte ; la Conclusion ; l'Épilogue qui invite à la lecture du compte rendu commandé par le président de la République, intitulé : _Les 1000 Premiers Jours_ ; enfin une Annexe théorique au chap. 8.



Cit. :

1. [in Introduction, par Jean Le Camus] : « Il me semble toujours aussi évident que les deux parents, la mère et le père, contribuent fortement et de manière complémentaire au développement de l'enfant, et ce dès son plus jeune âge. Évident que, dans la mesure du possible, ils doivent être présents au même titre et avec la même assiduité auprès du bébé et de l'enfant. Évident que leur mission est pour une part commune (ils sont également pourvoyeurs d'amour et d'autorité), pour une part différente (ils sont – le plus souvent – homme et femme et ils ont aussi affaire à des garçons et/ou à des filles, c'est-à-dire à des personnes sexuées). » (p. 10)

2. [in Introduction, par Monique Eizenberg] : « Le projet de concevoir un enfant s'inscrit, du moins dans notre culture européenne, dans une réflexion approfondie dont les conclusions ne sont pas si évidentes car, aujourd'hui, la continuité narcissique intergénérationnelle n'en est plus la seule justification.
Les angoisses sur l'avenir freinent la réalisation d'un projet d'enfant, d'autant que chaque homme, chaque femme peut contrôler ce désir dans sa mise en acte ou non. Malgré cette maîtrise théorique de la fécondité, les lois internes au psychisme humain nous montrent que "le moi n'est pas maître en sa demeure" et qu'il y a toujours des avortements spontanés, provoqués, des interruptions médicales de grossesse, ce que j'appelle des accidents de la vie. » (p. 11)

3. « En 1975, cette protestation n'est pas nouvelle et on sait que des esprits lucides tels que Condorcet ou Olympe de Gouges avaient déjà bousculé l'ordre établi dès la fin du XVIIIe siècle et que, plus d'un siècle après, en 1949, Simone de Beauvoir avait écrit _Le Deuxième Sexe_, un des ouvrages que les féministes considéreront comme un texte fondateur. Cependant, ce courant de pensée se renforce avec la prise de parole de nouvelles égéries : Françoise Giroud, Julia Kristeva, Gisèle Halimi, Hélène Cixous, Benoîte Groult, Élisabeth Badinter, etc. De la même façon que les femmes avaient sollicité et obtenu le droit de contrôler les naissances […], de même il se trouve de plus en plus de mères pour demander ouvertement aux pères de "mettre la main à la pâte", voire de respecter une égale répartition des temps de travail. » (p. 59)

4. « L'analyse des résultats a permis d'affirmer :
- que les enfants du groupe G1 (pères non impliqués) avaient tendance à se montrer plus anxieux et plus dépendants de leur mère à la séparation que les enfants dont le père est précocement engagé (G2 et G3) ;
- que parmi les enfants dont le père est précocement impliqué, ceux dont le père a une fonction spécifique, différenciée de celle de la mère (groupe G3), paraissent avoir un attachement plus assuré, plus indépendant que les autres (groupe G2) ;
- enfin que parmi les enfants dont le père est engagé, ceux du groupe G3 (pères différenciés) sont plus ouverts aux pairs que ceux du groupe G2 (pères indifférenciés). » (p. 82)

5. « Nous avons retenu l'énumération établie par les médecins Brazelton et Greenspan en 2003. Ils sept besoins comme des expériences et des soins que tout enfant est en droit d'avoir. Ces besoins sont les suivants :
- relations chaleureuses et stables ;
- protection physique, sécurité et régulation des émotions ;
- expériences adaptées aux différences individuelles ;
- expériences adaptées au développement ;
- besoin de limites, de structures et d'attentes ;
- besoin d'une communauté stable, de son soutien, de sa culture ;
- besoin de protection de son avenir. » (pp. 123-124)

6. « La paternité est une institution en reconstruction puisque le modèle ancien ne fonctionne plus. Cependant, il y a des invariants incontournables qui tiennent essentiellement à la construction psychique soutenue par les mécanismes inconscients ; il s'agit principalement des fantasmes originaires qui sont au nombre de 5 : le retour au ventre maternel, la scène primitive, la castration, la séduction, le roman familial. Ils ont une origine phylogénétique et une fonction ontogénétique. […]
Il y a un lien structurel entre l'histoire de l'humanité et l'histoire Une nouvelle ère relationnelle apparaît dans un contexte caractérisé par une différence des générations moins marquée, sans doute du fait de la précarité des couples ; dans ces configurations, les enfants deviennent prématurément adultes et les adultes restent d'interminables adolescents. » (pp. 139-140)

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