[Les enfants du désastre. 1, Au revoir là-haut | Pierre Lemaître]
Les filiations impossibles.
Albert Maillard, comptable dans le civil et Edouard Péricourt, en délicatesse avec un père fortuné sont poilus et pouilleux dans la même tranchée sous les ordres du lieutenant d’Aulnay-Pradelle, va-t-en-guerre impénitent, nobliau sans le sou assoiffé de reconnaissance et de pouvoir. Sans aucun scrupule, Pradelle est prêt à envoyer les soldats au casse-pipe si cela peut le servir mais les relents d’Armistice qui s’épandent peu à peu dans les consciences anesthésiées ne sont pas propices à l’élévation du lieutenant pour fait d’arme et bravoure au combat. A quelques jours d’une paix inespérée depuis quatre années d’enfer dans les tranchées, Pradelle doit agir, trouver le moyen de briller quel que soit le prix à payer. Edouard et Albert sont en première ligne et l’horreur va s’imposer au-delà du supportable. La cote 113 à reprendre aux Allemands restera coincée au creux des estomacs.
A la démobilisation, la société civile voudrait tourner la page et oublier les survivants sacrifiés en vain, devenant des laissés-pour-compte, la jeunesse calcinée et la vie brisée. Monter des magouilles, échafauder des escroqueries d’ampleur s’imposent pour survivre dans un monde égoïste, ingrat et aveugle.
Le succès d’« Au revoir là-haut » (2013) est incontestable. Le roman-fresque a été multi-récompensé, traduit et vendu en masse, adapté en bande dessinée dans la foulée par Christian De Metter (2015) puis au cinéma (2017) par Albert Dupontel. L’écriture cinématographique et le regard porté à hauteur d’homme peuvent expliquer en partie l’attrait immédiat exercé par le livre de Pierre Lemaître. Même sans grande imagination, le lecteur visualise séance tenante tout ce que narre l’écrivain : la trouille au ventre, la montée d’adrénaline, la fureur aveugle des hommes courant à la boucherie, les trous d’obus, la glaise, les cadavres, l’odeur pestilentielle et pendant que le film défile, on sent l’intrigue se nouer et se resserrer puis le destin des hommes porté par une vision. Lemaître sait où il va et cela se sent tout de suite et puis il y a une distanciation qui naît de l’omniscience du narrateur. On est prévenu de ce qui va advenir et cela arrive comme prévu mais une pirouette change la donne et fournit par contrecoup toute la charge émotionnelle qui va continuer à déflagrer tout au long de l’histoire. Enfin, pour faire une grande œuvre, il faut inventer un vrai méchant. Il est présent dès le début et il porte la beauté du diable.
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