Effroyable gardien.
La commune normande de Giverny aimante un flot ininterrompu de touristes désireux de s’imprégner des charmes de la maison et du jardin du peintre impressionniste Claude Monet comme si la flétrissure et la mort n’avaient aucune emprise sur la beauté voluptueuse des nymphéas. Dans ce cadre idyllique, pourtant, un notable du coin, l’ophtalmologiste Jérôme Morval, est retrouvé triplement mort, la tête fracassée, une plaie au cœur et noyé. Le jeune inspecteur de police Laurenç Sérénac et son adjoint Silvio Bénavidès enquêtent et privilégient la piste du crime passionnel. Le mari jaloux de la belle institutrice Stéphanie Dupain est immédiatement suspecté par Sérénac mais sa seule intuition ne vaut pas preuve et il va falloir fouiller, sonder et remuer davantage la boue des turpitudes pour faire émerger une vérité particulièrement volatile.
Adapté en bandes dessinées d’un roman à succès du prolifique et talentueux auteur rouennais Michel Bussi, « Nymphéas noirs » est une belle surprise. Le scénariste Fred Duval, autre Rouennais, a parfaitement su s’approprier l’œuvre au noir de son compatriote et en transcrire l’atmosphère. La fluidité avec laquelle trois temporalités se juxtaposent est remarquable. Le twist final est particulièrement bien rendu avec la levée des voiles en quelques cases. Pour reprendre un titre du romancier, le lecteur sent que le temps est assassin avec la perte irrémédiable de la beauté donnée dans l’instant. Le dessinateur Didier Cassegrain a su idéalement mettre en images une histoire que les chevauchements temporels complexifient. La rencontre entre l’inspecteur et l’institutrice est magnifique de tension. Stéphanie Dupain est sensuelle, intelligente et insaisissable. Sa représentation graphique est impeccable. Les couleurs légères, douces, diluées restituent les ambiances maritimes qui nimbent les ciels normands. Le talent artistique de Didier Cassegrain est au diapason des œuvres impressionnistes de Claude Monet. Sous le chatoiement des lumières, la mort s’immisce comme le noir dans l’ultime tableau des nymphéas.
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