Penser la nature.
Les précieuses éditions Wildproject diffusent depuis 2009 la pensée écologiste hors des carcans technocratiques ou scientifiques avec l’espoir, comme Gaïa, de percoler en profondeur dans les strates des intelligences humaines. Dans leur collection « Tête nue », elles rééditent en 2022 les entretiens entre Gary Snyder et Jim Harrison préalablement parus en 2011. Par ces discussions en rhizome, c’est-à-dire souterrainement nourrissantes, le lecteur fait connaissance avec deux auteurs américains majeurs, tous les deux habités par le sentiment de nature. Alors qu’Harrison se met en retrait, pose les questions, relance parfois le sujet, c’est Snyder qui développe des idées totalement intriquées à son mode de vie. Intelligence animale, méditation (laisser l’environnement agir sur soi), poésie (être attentif à l’aspect divin de l’ordinaire), parcours de vie, nature du langage (« l’animalité se reflète dans la langue »), anthropologie (avec la prépondérance occidentale), biorégionalisme (défini par des communautés biologiques) sont quelques uns des thèmes abordés dans une conversation à bâtons rompus très accessible en surface, plus complexe dans l’assimilation des concepts. Dix-huit poèmes de Gary Snyder s’ensuivent. Une postface d’Antoine Wyss revient sur la poésie de Snyder ancrée dans la nature qu’il met en regard avec celle de Mallarmé toujours à la recherche quasi obsessionnelle du verbe idéal. La préface de Brice Matthieussent, grand traducteur de la littérature anglo-saxonne et notamment de Jim Harrison, insiste intelligemment sur la prise en compte politique du non humain. Un cahier photographique en noir et blanc encadre et enrichit les textes. Gary Snyder, bonze souriant, lutin vif, irradie tandis que Jim Harrison, vieil ours édenté, fait danser les ombres.
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