[L’Arabe du futur. 2, Une jeunesse au Moyen-Orient : 1984-1985 | Riad Sattouf]
Eduqué à la férule.
De retour au village syrien de Ter Maaleh, Riad Sattouf, âgé de six ans, doit intégrer l’école, grande pourvoyeuse de violence, de bêtise et de suffisance. La maîtresse régente son petit monde effrayé et soumis à coup de trique. Malgré la brutalité en classe et dans la cour, le jeune Riad trouve quelques rares camarades qui l’écoute et l’épaule. Avec ses deux cousins, il arpente la décharge publique à la recherche de trésors hypothétiques. A la maison, son frère grandit, sa mère végète dans un appartement vide, son père imagine des rêves de grandeur avec la construction d’une vaste maison prétentieuse, précurseur d’un avenir présidentiel. La visite de la famille Sattouf au cousin Abou Hassan et à sa femme Oum Hassan est un grand moment de solitude, de vanité, d’égoïsme et d’hypocrisie que le regard enfantin de Riad exacerbe.
Arrivé à la moitié du livre, le lecteur sent que rien ne va plus, les jeux sont faits. Alors qu’il a neigé, Riad Sattouf douche l’émerveillement de l’enfance en remarquant immédiatement que « L’air sentait le mazout ». Ensuite le père, Abdel-Razak, part à la chasse avec son fils dans le no man’s land du faubourg. Comme tout à déjà été laminé depuis longtemps, il fait un carton sur un groupe de moineaux transis de froid et affamés, posés serrés sur un barbelé. Plus tard, Riad trébuche et s’affale dans la boue en allant à l’école. Sale et en retard, il se fait châtier par la maîtresse sadique. Enfin, Abdel Ramane, un enfant de la zone, capture des grenouilles et les attachent aux roues de son vélo. Il analyse ensuite l’état des batraciens et s’étonne que les yeux leur sortent de la tête. L’éducation parentale laisse aussi grandement à désirer. Heureusement, l’humour tempère les propos du père. Ainsi, quand il explique à Riad la présence de gaz mortifères dans le cimetière, la mère prend immédiatement le relais, en colère. Elle doit se contenter d’un réchaud pour faire la cuisine à tout le monde. Abdel-Razak promet aussitôt une gazinière, une machine à laver, un magnétoscope « de grande modernité » et la villa de ses rêves pour la semaine prochaine.
Riad Sattouf continue à autopsier son enfance pour se purger de tous les cadavres qui hantent son passé. Avec un air faussement innocent car revu et corrigé par un regard adulte, un trait en apparence enfantin mais féroce et caricatural, l’auteur croque son monde avec un mordant qui tranche à l’exemple de la mise à mort de Leila par son frère et son père au prétexte qu’elle est tombée enceinte hors mariage. Dans tout ce malstrom de tronches défaites, Leila apparaissait comme une jeune femme éblouissante aux yeux du jeune Sattouf.
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