La solitude de l’assassin.
Narrant l’histoire du royaume des Six-Duchés depuis son arrivée en tant que bâtard au château de Castelcerf, FitzChevalerie, devenu vieux, triture son esprit pour éclairer son cheminement au plus lointain de ses souvenirs et donner à voir toute son époque à mesure que sa mémoire se précise et s’enrichit. Enfant illégitime du prince Chevalerie Loinvoyant qui était le successeur désigné au trône avant d’abdiquer prématurément, Fitz vient bien malgré lui secouer le nid de crotales des prétendants en Cour. Le roi Subtil Loinvoyant a des vues sur l’enfant. Il souhaite le faire éduquer afin de se l’attacher corps et âme. Pour ce faire, Subtil fait appel à Umbre, assassin royal instructeur. Commence pour Fitz un apprentissage exigeant, intransigeant, déplaisant qui va le mener dans une double-vie avec des choix effroyables à la clé. La fin du volume est d’ailleurs remarquable à ce sujet d’autant qu’elle est imprévisible. Fitz est pris dans les filets d’un plan à plusieurs niveaux qu’il n’a pas vu venir même s’il sent qu’une machination létale est en marche. Sur la trame de l’arroseur arrosé, Robin Hobb a conçu un roman machiavélique qui donne un nouveau tour d’écrou après chaque chapitre.
Avec l’évocation réussie d’une époque moyenâgeuse où la magie et le surnaturel ne sont qu’en appoint, l’auteur déroule une histoire qui prend des allures d’épopée. Fitz, assassin malgré lui, rudoyé, esseulé, incompris, est un personnage attachant. Son aptitude à communiquer avec les animaux grâce au Vif, une ancienne magie combattue car semblant rabaisser l’homme au niveau de l’animal, permet de développer des moments forts quand les chiens sont de la partie à l’exemple de Fouinot, exceptionnel canidé inoubliable. Sa capacité à pratiquer l’Art, une télépathie intrusive, fragilise davantage qu’elle ne fortifie l’apprenti assassin dévoué mais en proie au doute. La narration plutôt lente, sans esbroufe, est en phase avec une histoire au long cours, immersive et intrigante.

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