Je me suis de nouveau fait avoir par un volume de la collection Que sais-je ?... J'espérais trouver dans celui-ci une trace plus significative des essais que Le Breton avait précédemment consacrés au risque, conçu comme un choix individuel en relation avec les problématiques identitaires (notamment la construction de l'identité chez les adolescents), parmi lesquels : Passions du risque (2000), Conduites à risque. Des jeux de mort au jeu de vivre (2013), et Rites de virilité à l'adolescence (2015). C'était sans compter que, à l'inverse d'un essai, un Que sais-je ? ne peut démonter une thèse ni se resserrer sur un objet précis. Au contraire, il se doit d'explorer l'étendue la plus vaste du champ proposé par le titre, et le plus grand nombre possible de problématiques relatives, étudiées dans les différentes recherches actuelles. Cette approche incluante, unie à la contrainte de la plus grande brièveté, constitue en elle-même un facteur de frustration.
De plus, les trois quarts de ce petit livres sont occupés par l'aspect social du risque, et très majoritairement celui-ci est conçu comme un péril à l'encontre duquel est exprimée une demande de politique de (mise en) sécurité. Le premier chap., de manière intéressante sans être très originale, pose la relation entre risque et précarité. Le deuxième, qui aurait logiquement pu le précéder, constitue une prémisse sur la nature subjective quoique collective, relative quoique estimable, politiquement et médiatiquement constructible du risque. Le troisième, en reflétant sans doute les sujets d'étude d'actualité, se concentre surtout sur les risques environnementaux de la société technologique, avec des ouvertures sur les problématiques y afférant que constituent l'information, la responsabilité diffuse et la différence entre principe de précaution et prévention des risques. On le voit, ces approches d'actualité ne sont pas dépourvues d'intérêt. Néanmoins ce n'est que le quatrième chap., sur une maigre douzaine de pages, qui a répondu à mes attentes initiales. La cit. que j'ai retenue révèle la nature excentrée à la fois de mes intérêts et des travaux précédents de l'auteur sur le sujet du risque.
Table :
Introduction
Chap. Premier : « L'individu précaire : risque et quotidien » :
I. L'existence précaire
II. Le risque pour l'identité
III. Risque et sécurité au sein du lien social
IV. Individualisation et rupture de confiance
Chap. II : « La construction sociale du risque » :
I. La relativité du risque
II. La construction sociale du risque
III. Les biais de perception du risque
IV. L'accident comme spectacle
V. L'illusion de contrôle
VI. Le sentiment de sécurité
Chap. III : « Les sociétés du risque » :
I. Sociétés du risque
II. Catastrophes
III. Enchevêtrement des responsabilités
IV. Acceptabilité des risques
V. Informer
VI. Le principe responsabilité ou le catastrophisme raisonné
VII. Le principe de précaution
VIII. Critique de la prévention
IX. Prévention du VIH
Chap. IV : « Les passions du risque » :
I. Le risque comme passion
II. La nouvelle aventure comme nouvelle pratique sportive
III. Créer de l'intensité d'être
IV. Goût du risque chez les jeunes générations
V. Les conduites à risque des jeunes.
Cit. :
« Les travaux menés aujourd'hui autour de la "société du risque" analysent le risque sous un signe négatif, sous l'égide des dangers liés à la puissance de nos sociétés contemporaines. De manière tacite, le risque est perçu comme un élément néfaste de l'existence, une menace insidieuse et mauvaise que l'homme se doit de fuir. Source de peur, d'angoisse, de fantasmes, il est posé en repoussoir au sein du lien social. Ces analyses laissent en friche le constat que le risque est parfois le fait d'une passion singulière, d'une jouissance qui se mue en mode de vie. Il peut être valorisé par l'individu dans certains domaines de son existence, malgré une conscience relative du danger qu'il court. Le refoulement collectif de la mort et de la précarité, l'illusion de toute-puissance qui guide nombre de ces démarches lui confèrent une valeur redoublée dès lors qu'il est choisi en toute connaissance de cause comme un espace de souveraineté. Écarté de la sphère collective comme menace, il en vient à jouir de l'attirance guettant toute action interdite, il appelle la transgression. » (p. 106)
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