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[Individus sous influence | Alain Ehrenberg (dir.)]
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Posté: Mar 28 Déc 2021 7:30
MessageSujet du message: [Individus sous influence | Alain Ehrenberg (dir.)]
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Table des matières [commentée avec renvoi aux cit.] :

- Alain Ehrenberg : « Un monde de funambules » [cit. n° 1 et 2]

Partie I : « États seconds » [Sur les aspects littéraires, psychologiques et historiques de la consommation de drogues]

- Pierre Pachet : « Coleridge, De Quincey, Baudelaire : la drogue de l'individu moderne »
- João Fatela : « Drogues et ambivalences de la subjectivité » [cit. n° 3]
- Olivier Mongin : « Désincorporation »
- Georges Vigarello : « La drogue a-t-elle un passé ? » [cit. n° 4]

Partie II : « Traversée des images » [Sur l'imaginaire des drogues à travers les arts, en particulier la musique, la littérature américaine du XXe siècle, le cinéma, la publicité, la BD]

- Patrick Mignon : « La démocratisation de la bohème : drogues, jazz et pop music »
- Pierre-Yves Petillon : « Paysages mentaux de la drogue : versions transatlantiques »
- Thierry Jousse : « Drogues et cinéma »
- Vincent Amiel : « Peut-on voir un autre monde ? »

Partie III : « Entre influences et dépendances » [Représentations sociales des drogues, drogues et socialisation/désocialisation, médicaments psychotropes...]

- Véronique Nahoum-Grappe : « Le rire du buveur, le rictus du toxicomane » [cit. n° 5]
- Jacques Hassoun : « Janus mélancolique »
- Jean-François Solal : « Les médicaments psychotropes, une dépendance confortable » [cit. n° 6]
- Alain Renaut : « Individu, dépendance et autonomie »

Partie IV : « Régulations » [Aspects juridiques, de contrôle social et judiciaires]

- Robert Castel et Anne Coppel : « Les contrôles de la toxicomanie » [cit. n° 7]
- François-Rodolphe Ingold : « Toxicomanes en Europe : épidémiologie et ethnographie »
- Claude Le Pen : « Une politique pour les tranquillisants ? » [cit. n° 8]
- Dominique Charvet : « L'homme de loi et la toxicomanie »
- Antoine Garapon : « Le toxicomane et la justice : comment restaurer un sujet de droit ? » [cit. n° 9]
- Mireille Delmas-Marty : « Quelles politiques européennes ? Analyse juridique comparée des politiques de la drogue et de l'alcool – les raisons du droit »
- Albert Ogien : « Courte bibliographie raisonnée » [se décline en : « Récits de voyage », « La drogue, le monde », « Vivre la drogue », « L'inconscient, l'âme et le cerveau », « Versions officielles »]



Cit. :


1. « Qu'est-ce alors que la drogue ? Un artifice pour fabriquer de l'individu, une chimie de la promotion de soi. Elle radicalise le primat de la liberté individuelle qui, dans son versant purement privé, commence à caractériser les sociétés occidentales à partir du XVIIIe siècle. […] La question de la drogue s'est construite comme une interrogation sur les limites de la liberté et de la sphère privée dans la civilisation démocratique. […] Elle conditionne la possibilité de vivre sa propre vie, avec soi-même c'est-à-dire avec autrui. La sphère privée devient un problème à partir du seul moment où elle enferme le sujet dans une telle passion pour lui-même qu'elle en devient invivable. Un monde privé illimité, c'est cela que l'on appelle la souffrance du toxicomane, qu'il s'adonne à l'héroïne, à l'alcool ou à n'importe quoi. » (p. 8)

2. « L'entrée des médicaments psychotropes dans l'épidémiologie de la drogue […] accentue le brouillage des catégorisations [entre drogues licites et illicites, etc.] […]. La presse et nombre d'experts parlent de toxicomanie aux médicaments, mais ceci ne se caractérise pas, à la différence de l'héroïnomanie, par la désocialisation et la déchéance. Au contraire, ils sont des drogues de performance et de socialisation qui aident l'individu à mieux s'intégrer, à aménager son confort intérieur et à survivre dans une société qui a vu s'effriter en quelques années les institutions collectives sur lesquelles s'appuyaient la régulation des rapports sociaux. Elles servent aux individus à s'auto-assister afin de tenir le coup dans des rapports sociaux qui exigent de plus en plus de responsabilité et de visibilité personnelles. » (p. 18)

3. « Il ne laisse pas toutefois d'être troublant que ce soit à travers le geste par lequel il tente d'actualiser son idéal d'autonomie – d'autonomie absolue, devrait-on ajouter –, que l'individu devient "aliéné à lui-même" (Michaux). Troublant qu'une telle expérience émerge historiquement sur la scène sociale avec l'avènement démocratique.
La clinique nous apprend que la méconnaissance de sa finitude rend l'individu vulnérable à toute forme de dépendance aliénante. C'est pourquoi celui-ci ne peut s'en détacher qu'en s'assumant comme être de finitude et en acceptant la dépendance de l'autre, qui le constitue. La toxicodépendance renvoie de ce fait à la question centrale de toute société démocratique : celle de l'adéquation du lien social et de la liberté individuelle. » (p. 53)

4. « [Au début du XIXe siècle] l'écoute des modifications de conscience sous l'effet de substances actives devient un thème littéraire. Plus encore, le rêve, l'"autre réalité" deviennent un thème de revendication. […]
La transformation de l'écoute médicale, au même moment, fait mieux comprendre encore ce qui se renouvelle au début du XIXe siècle. [Charvet, en 1826] tente, pour la première fois, d'enregistrer le déroulement des effets psychiques en minutant leur apparition après la prise. […]
Il faut cette transformation, cette acceptation d'une "autre réalité" pour que soit introduit un mode rénové de recours aux produits. La différence radicale entre le témoignage des consommateurs du XVIIIe siècle et celui des consommateurs du XIXe siècle le montre sans équivoque. Un registre de sensations nouveau, explicitement psychologique, apparaît qui rend l'expérience totalement inédite. » (pp. 93-94)

5. « Pourquoi cette jubilation autour du "buveur" dans notre culture ? Pourquoi ce consensus chaud et rigolard lorsque les gestes du boire, les objets et les postures de l'enivrement sont mis en scène ? Pourquoi l'ivrogne est-il un héros d'histoires comiques plus que le "drogué", et au même titre que le "fou" avec son entonnoir sur la tête, le "distrait" lunatique, l'idiot "du village", la "femme", le "juif", etc ? […] Comme si le modèle prévisible de l'ivresse était homogène, reconnaissable facilement, et suscitait un consensus plutôt positif, alors que le peu d'images diffusées de la toxicomanie ne produiraient que des effets de "froid" et de flou : que s'y passe-t-il au juste ? Rien n'est clair et tout est suspect dans l'imagination de l'expérience de la "drogue" anticipée socialement. » (p. 177)

6. « La pharmacodépendance risque-t-elle de devenir le prix social à payer pour intégrer les marges ? […]
La recherche scientifique sur la chimie cérébrale a permis la découverte de nouvelles molécules qui ont élargi l'éventail d'effets psychotropes de plus en plus spécifiques, entre sédation et stimulation. Notre société offre de plus en plus de produits à la demande croissante d'adaptation et d'intégration sociale. L'usage thérapeutique de ces produits actifs risquerait à terme de devenir marginal. De leur côté, les pratiques d'intoxication aux produits illicites semblent tendanciellement obéir à la même logique, reléguant les valeurs transcendantes et initiatiques à l'Histoire.
La pharmacodépendance devient le commun dénominateur de l'usage des psychotropes licites et illicites, dette inépuisable dont le sujet dépendant doit s'acquitter pour le prix d'une dépendance sociale confortable. » (p. 217)

7. « Vue du cabinet médical, la maladie se déroule inexorablement, de la lune de miel à l'ultime déchéance où le prisonnier de la drogue reconnaît tout à la fois son mal et son impuissance. Le regard médical est si prégnant qu'il plonge dans l'obscurité l'expérience quotidienne de l'usager de drogues, d'abord confronté à la nécessité d'engendrer ses propres contrôles. La survie dans le monde de la drogue l'exige. Le contrôle ici commence par celui des quantités : se droguer, c'est d'abord apprendre à doser ; se maintenir sur la ligne de crête exige une forte discipline. Le marché de la drogue est lui aussi affaire de contrôle. En dernière instance, il dépend de l'usager-trafiquant et de sa capacité à contrôler sa propre consommation, évaluée au quotidien par ses clients comme par ses pourvoyeurs ; et cette information, qui tisse le marché de la drogue, circule au même titre que les arrivages, les quantités, les prix. La perte de contrôle est sanctionnée par l'exclusion des circuits de revente. » (p. 247)

8. « En apportant aux troubles psychiques une réponse thérapeutique analogue à celle qui est mobilisée pour le traitement des troubles organiques, les tranquillisants révèlent la dimension biologique, animale, de notre système cérébral et nerveux, et donc de notre vie psychologique. […] Ils dissolvent ainsi une sorte de principe d'équilibre qui veut qu'à un mal correspond une thérapeutique de même nature : au mal organique, une réponse pharmacologique ; au mal psychique, une réponse psychothérapique ; au mal social, une réponse sociale.
C'est l'ordre qui est brouillé, les limites entre ces registres qui sont transgressées par l'effet de thérapeutiques qui traitent le mal psychologique sur le mode pharmacologique propre aux troubles organiques. On mesure la confusion : nous ne serions donc, y compris dans notre vie psychique, dans notre vie sociale, qu'une machine biologique sensible à l'inhibition ou à l'activation de tel ou tel site récepteur de notre système nerveux central ! » (p. 279)

9. « Ainsi, le toxicomane est-il condamné par la justice moins au nom du sujet de droit qu'il est, qu'au nom du sujet qu'il va devenir ! Notre temps croit à une sorte de pédagogie du sujet de droit dont la négociation serait la forme privilégiée, qui constitue une des finalités du droit et de l'institution judiciaire, que les travailleurs sociaux et les psychologues appellent "le rappel de la loi". Légitimité croisée, réciproque du droit postmoderne qui, en même temps qu'il fait exister le sujet, recherche dans la négociation qu'il lui offre une sorte de complément contractuel à sa légitimité. […] La négociation [de la désintoxication au lieu de la détention] ne doit donc pas être considérée comme une simple technique, voire comme une ruse des institutions destinée à procurer l'illusion de la maîtrise de la décision : il faut y voir un signifiant majeur de notre socialité, une manière légitime d'appliquer le droit, un moyen qui tend à se confondre de plus en plus avec la fin même du droit. » (p. 309)

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