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[Je suis le carnet de Dora Maar | Brigitte Benkemoun]
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apo



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Posté: Dim 12 Déc 2021 16:32
MessageSujet du message: [Je suis le carnet de Dora Maar | Brigitte Benkemoun]
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J'aime beaucoup les enquêtes sur les personnes disparues, genre dans lequel Didier Blonde excelle. Peut-être est-ce plutôt la disparition qui m'attire. Ici, l'acquisition fortuite d'un répertoire téléphonique contenant les numéros et quelques adresses des plus importantes personnalités artistiques du Saint-Germain-des-Prés du début des années 50 met la journaliste sur la piste de Dora Maar, la photographe et peintre célèbre surtout pour avoir été la maîtresse officielle de Picasso, inconsolable après son abandon. Le mystère sur l'identité de la propriétaire du carnet se dissipe très vite, sa biographie est loin d'être inconnue, de même que celle de la plupart des protagonistes dont les entrées du répertoire, avec leurs coordonnées, constituent les titres des chapitres. Mais la substance de l'enquête, c'est la reconstitution des relations qui ont pu s'établir entre ces personnages bien connus et Dora Maar. Par ce biais, le lecteur rentre dans une certaine familiarité avec ce petit monde très fermé et uni, j'allais dire endogame, où tant d'artistes et d'intellectuels gravitent autour de Picasso tels des planètes autour d'un soleil, des années 30 aux années 50, entre Paris et le Luberon. En même temps, l'enquête est enrichie par les témoignages des héritiers survivants et autres éventuels témoins, et la personnalité de Dora Maar, qui restera à jamais « la femme qui pleure », se profile, scandée par les étapes de sa vie avant et après Picasso.
Ce qui est particulièrement curieux, c'est que d'habitude le chercheur s'attache à son objet d'étude, y trouvant éventuellement des échos ou des projections de soi-même. Au contraire, Brigitte Benkemoun, que le pur hasard a mis sur la piste de l'artiste, a de très bonnes raisons de nourrir de la répulsion pour cette femme devenue bigote, pingre malgré l'immense fortune constituée par les Picasso qu'elle cache sous son lit et obsessionnellement antisémite. Le choix de facilité d'imputer à Picasso la responsabilité des malheurs et de la folie de Maar n'est pas non plus fait, bien que la figure du peintre de génie apparaisse clairement comme celle d'un être socialement abject, au narcissisme dérangé et profondément pervers à l'égard des femmes aimées. Mais à y regarder de près, le lecteur ne peut qu'éprouver une forte antipathie pour l'ensemble de ces personnages, surtout en considérant les coups-bas qu'ils se sont infligés les uns les autres durant la guerre et l'Occupation, tout en faisant mise de vivre une symbiose de « grande famille ». Les caprices, les enfantillages, les jalousies, les trahisons et l'immense sexisme de ces Breton, Bataille, Cocteau, Lacan, Brassaï, Éluard, Leiris, Poulenc et tant d'autres font montre, pis que de bassesse, de petitesse...


Cit. :


1. « Tout en marchant, les deux amis [Cocteau et Picasso] se moquent de toutes ces plaques commémoratives scellées au rez-de-chaussée des immeubles. Dérisoires vanités posthumes de ceux qui ont vécu là, ou de leurs héritiers. Et ils s'amusent à en inventer d'autres... Devant le numéro 6 de la rue de Savoie, Picasso a cette intuition folle : "Dans cette maison, Dora Maar mourut d'ennui !" C'est ici en effet qu'elle meurt cinquante-cinq ans plus tard. Mais si l'ennui l'a tuée, ce fut à petit feu. » (pp. 125-126)

2. « Marie Laure de Noailles aimait demander à ses amis : "À quel âge êtes-vous devenus vous-mêmes ?" À cette question, je veux croire que Dora répondrait : "En 1951 !" Ce qui donnerait un sens à mon carnet. Elle a quarante-quatre ans. Elle a réussi à vivre six ans sans Picasso. Elle est sortie de sa dépression. Dieu, Lacan et la peinture sont les trois piliers d'un équilibre, certes fragile, mais qui lui permet d'affirmer : "Mon destin est magnifique quoi qu'il en semble. Autrefois je disais, mon destin est tès dur quoi qu'il en semble." » (p. 292)

3. « Et en 1983, dix ans après sa mort [de Picasso], un médecin canadien trouve de façon assez mystérieuse chez le peintre un paquet où il est écrit : "Pour Dora". Il essaye de la joindre. Elle ne répond pas. Alors, il finit par l'ouvrir et découvre une bague, gravée P et D. À l'intérieur ; il y a un petit clou qui l'aurait forcément blessée si elle y avait glissé son doigt... Comme autrefois le couteau des Deux Magots. » (pp. 315-316)

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