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[Sociologie de la consommation | Hélène Ducourant, Ana P...]
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Posté: Sam 21 Aoû 2021 13:40
MessageSujet du message: [Sociologie de la consommation | Hélène Ducourant, Ana P...]
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[Sociologie de la consommation | Hélène Ducourant, Ana Perrin-Heredia]

Cet essai contient les prémisses heuristiques, ou représente un tour d'horizon des recherches sur le thème de la consommation issues de l'ensemble des sciences sociales, et surtout de leurs critiques, opéré afin de poser les balises disciplinaires pour une éventuelle définition de celle-ci qui soit opératoire en sociologie. À la fin de l'étude, il n'est pas certain qu'une telle définition sociologique émerge, qui tienne compte de la complexité d'un phénomène pourtant éminemment sociologique et qui soit à même d'éviter tous les écueils dérivant des biais des autres disciplines (économie, psychologie, statistique, marketing, politiques publiques) ainsi que les impensés des idées reçues qui sont en relation avec une morale souvent implicite et avec les a priori de relations de domination occultées. Deux problématiques communes en sociologie apparaissent en filigrane, à savoir : 1. l'étendue du libre arbitre dans les « choix » et les « goûts » individuels exprimés dans la consommation, ainsi que 2. la responsabilisation ou déresponsabilisation conséquente de l'individu en relation aux jugements de valeur sociaux ayant trait à l'argent – à la pauvreté et à la richesse, de manière différente mais tout aussi vivaces : la consommation des pauvres, de même que celle des riches font en effet l'objet de réprobation ; celle des femmes et d'autres groupes dominés aussi.
L'importance des dimensions sociales et institutionnelles de la consommation est soulignée, ainsi que celle qu'elle revêt dans le façonnement des identités, des groupes, des rôles et des positions. Il s'avère erroné d'opérer la répartition entre la production (qui serait individuelle) et la consommation (qui serait plutôt familiale) ; de même qu'entre une pratique « de consommation » et une pratique « culturelle » ; et enfin entre la nature politique du « citoyen » ou de « l'ouvrier » et celle qui serait apolitique du « consommateur ».
Ces erreurs méthodologiques une fois écartées, une multitude d'études de sciences sociales anciennes et très actuelles évoquées et critiquées, je ressens toutefois une certaine lacune dans l'évocation d'une pars construens qui représenterait un possible chemin ultérieur de recherche sociologique sur la/les consommation/s. Je ressens peu d'avancement théorique par rapport au célèbre essai de Pierre Bourdieu, La Distinction.


Table [résumée] :

1. Comment aborder la consommation ?
Échapper à quelques lieux communs sur la consommation [ex. « société de consommation », « consommateur », « besoin » de confort]
Quelques tentatives de définition sociologique [« material culture » et consommation, « La consommation comme activité sociale encastrée »]

2. Consommation et budgets familiaux :
Approches statistiques de la consommation par les budgets domestiques
Approches monographiques de la consommation par les budgets
Critiques des approches de la consommation par le budget

3. La consommation face à la production :
La consommation comme rapport de production [NB. : le « travail du consommateur »]
La consommation face à la production via les marchés

4. Consommation et stratification sociale :
Consommation et fabrique des groupes sociaux
Consommation et hiérarchisation des groupes sociaux

5. Consommation et politique :
Consommation engagée, consumérisme politique
Alter-consommation et mode de vie
Les pouvoirs publics et les consommateurs


Cit. :


1. « Traiter de la consommation en sociologie, c'est donc refuser par exemple de considérer d'emblée qu'on consomme un bien parce qu'on en a besoin, parce qu'il nous apporte du plaisir ou de la satisfaction, c'est-à-dire marquer ses distances avec le fait de penser la consommation, à l'instar des économistes, sous la forme d'une fonction d'utilité ou, à l'instar des psychologues, comme une réponse à un besoin physiologique ou psychologique (latent, satisfait, à satisfaire). C'est aussi mettre en doute des approches qui considèrent les choix de consommation comme des décisions d'ordre privé, intime, personnel, réalisées par des individus autonomes, et dont de caractère plus ou moins rationnel ou raisonnable serait à rattacher à des problèmes d'accès à l'information ou à des troubles psychologiques (dépendance, addiction, etc.) » (pp. 8-9)

2. « Les recensions budgétaires du docteur Villermé [1840] donnent déjà accès à la consommation des ouvriers du XIXe siècle et, ce faisant, elles permettent d'appréhender leurs conditions d'existence tout autant que d'envisager des moyens de l'améliorer. Mais l'auteur s'appuie aussi sur la structure de leurs dépenses pour prouver leur dépravation : selon lui, c'est en effet au travers de leur consommation que se perçoivent leurs qualités morales. Or, le tableau qu'il en dresse est rarement élogieux. » (p. 67)

3. « Elles [Ann Game et Rosemary Pringle (1983)] montrent en quoi la consommation est en réalité bien plutôt un "travail", certes domestique, féminin, non rémunéré et invisible, mais qui néanmoins a tous les attributs d'une activité productive : en consommant, les femmes produisent la consommation des autres. Plus largement, ces travaux sur l'organisation domestique, abordée dans une perspective féministe marxiste, mettent en évidence à quel point la frontière qui sépare consommation et production est en réalité poreuse, voire inexistante : en pratique, utiliser un bien (se l'approprier ou le consommer) est le plus souvent un moment à la fois de consommation et de production, comme peut l'être la préparation des repas. L'opération qui tend à qualifier cette activité de consommation (improductive) plutôt que de travail (productif) est en réalité le produit de rapports de domination (de genre) et participe de leur naturalisation. » (p. 93)

4. « Le lecteur attentif ne pourra plus dire que porter un tailleur en tweed, conduire un 4x4 ou opter pour les couches lavables plutôt que jetables est un simple question de "choix" ou de niveau de revenu. Ces pratiques renvoient à des obligations sociales, des normes de consommation propres à chaque groupe, auxquelles, selon les cas, les individus se soumettent ou desquelles ils tentent de s'émanciper. Elles fondent également pour partie l'appartenance à un groupe social (en permettant à ses membres de se reconnaître) tout en en traçant les limites (entre les inclus et les exclus). Elles dessinent également, avec une certaine épaisseur, les frontières entre groupes sociaux. Plus encore, elles concourent à créer et à légitimer les hiérarchies entre groupes et in fine à (re)produire des rapports de domination, dont elles deviennent un lieu d'observation privilégié. » (p. 161)

5. « Des pratiques individuelles sont d'abord mises en cause dans certains problèmes publics (par exemple l'obésité, le réchauffement climatique, le surendettement). Ces pratiques individuelles sont ensuite présentées comme "des choix d'individus autonomes" qui deviennent de ce fait responsables des effets de leurs choix sur le collectif. Une fois cette liaison établie entre individuel et collectif, l'intervention publique se trouve justifiée et légitimée et peut alors porter sur les conditions de formulation de ces choix au moyen de diverses techniques : par l'information, l'incitation, l'activation de rationalités spécifiques. Enfin, des sanctions, économiques aussi bien que symboliques, permettent de redresser les réfractaires, de normaliser les conduites déviantes. » (p. 186)

6. « […] Nous avons exploré des cas où la consommation est construite comme un problème public et fait l'objet d'un acte de gouvernement. Tout le paradoxe tient alors au fait que ces politiques publiques s'appuient sur la construction d'une figure de consommateur apolitique et dont l'appartenance sociale importe peu. Cette figure du consommateur, tout en étant sans cesse interpellée et travaillée par la politique, envahit l'espace public : le citoyen consommateur, l'électeur consommateur, le militant consommateur, etc. Que produisent ces usages de la figure du consommateur ? En quoi cette naturalisation conduit-elle aussi à ignorer, voire à légitimer des rapports sociaux de domination ? » (p. 197)

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