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[Une maternité rouge | Christian Lax]
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apo



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Posté: Lun 16 Nov 2020 16:01
MessageSujet du message: [Une maternité rouge | Christian Lax]
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Ce roman graphique mêle certains archétypes littéraires à des sujets historiques et d'actualité de la même amertume totalement véridique, dans une fable contemporaine dont le dénouement miraculeux ne dissimule pas les aspects tragiques.
Le cadre d'ouverture, c'est le pillage de trésors artistiques par des colons français, en septembre 1960, la veille de la décolonisation du Mali. Une statuette en bois patiné de rouge représentant une maternité stylisée est sauvée par un garçon malien. En 2015, un autre garçon, Adou, chasseur de miel, découvre par hasard ce trésor enfoui dans le creux d'un baobab et le sauve une deuxième fois de la barbarie iconoclaste des djihadistes qui l'ont attaqué. Parti prendre conseil sur la valeur de l'objet, ou peut-être principalement sur sa propre destinée, auprès d'un vieil hogon de village, qui a longtemps exercé la profession d'instituteur, il reçoit de lui la mission de conduire à bon port l’œuvre d'art jusqu'au Musée du Louve à Paris, là où se trouve un autre exemplaire tout aussi ancien et précieux de Maternité rouge.
Le lecteur, en effet, a compris que le vieillard revêtant le rôle de sage mandataire, de pourvoyeur du viatique et de porteur de la parole prophétique, n'est autre que le garçon qui avait effectué le premier sauvetage de la statue, le même qui avait presque oublié le lieu où il l'avait occultée, mais qui l'a immédiatement reconnue cinq décennies plus tard. Cette reconnaissance pleine de dévotion et de vénération constitue la splendide planche de couverture du volume. Le lecteur apprend à cette occasion le récit des jeunes années d'études supérieures de cet homme à l’École du Louvre, brutalement interrompues par une reconduite à la frontière en relation avec les contestations étudiantes de Mai 68. Il aimerait aussi reconnaître dans personnage du camarade manifestant violemment malmené par les forces de police alors et dont la poursuite est la cause de son expulsion, le personnage de Claude, l'ancien soixante-huitard devenu conservateur du Pavillon des Sessions du Louvre, cette « antenne permanente dans le palais du Louvre du musée du quai Branly [… qui] expose 108 chefs-d’œuvre du monde extra-européen », personnellement tout particulièrement attaché à la Maternité rouge exposée dans sa collection, qui apparaît parallèlement à l'histoire d'Adou jusqu'à en croiser la route.
Thème archétypal du trésor sauvé ; thème des destins des héros (un fait : un héros réincarné) placés sous les auspices d'une divinité statufiée ; et bientôt thème de l'odyssée d'Adou sur la route de la Grande migration, du Mali à la France, en passant par la Libye ravagée, à demi-naufragé en Méditerranée avec escale à Lampedusa, à travers l'Italie et les Alpes jusqu'au campement de la Porte de la Chapelle à Paris à l'heure de la « crise migratoire » de 2015 : périple dramatique dont il ressort miraculeusement indemne, sans doute grâce à la protection tutélaire de la statue qu'il conserve religieusement dans son sac-à-dos, et qui doit retrouver son emplacement auprès de sa jumelle du Louvre.
Archétypale (biblique) est donc aussi la chute : elle ne concerne pas le protagoniste Adou, le Moïse porteur-sauveteur, qui disparaît sans avoir vu la statue bien rangée dans une vitrine nouvellement aménagée, mais représente le personnage de Claude de dos puis de face devant celle-ci, sur fond de mer infinie sous un ciel de plomb...
Le dessin, d'une facture d'une impressionnante beauté et soin du détail, est bichrome gris-jaune, à l'exception des seules deux Maternités qui sont rouges. Les planches relatives à l'odyssée d'Adou sont naturellement les plus chargées émotionnellement et graphiquement, mais elles valent toutes celles qui représentent l'irruption de la violence de l'Histoire : l'apparition des djihadistes au Mali, les émeutes de Mai 68 à Paris, le campement parisien des réfugiés maltraités par les racistes et expulsés par les flics...


Cit. :

« La communication n'est qu'olfactive. Tout le monde pue, mais tant qu'on est dans ces remugles, c'est qu'on n'a pas encore fait naufrage... » (p. 107)

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