[La Chasse infinie et autres poèmes | Frédéric Jacques Temple]
« La nature est un Temple… »
Sur son portrait, en couverture de « La Chasse infinie », avec sa barbe de prophète et ses yeux pochés (les valises de l’insomnie ?), Frédéric Jacques Temple rappelle l’exilé de Guernesey tourné lui aussi vers le grand large. Débutant sa superbe et consistante anthologie avec Foghorn (« corne de brume »), le poète voyageur languedocien âgé aujourd’hui de 99 ans, place son recueil dans le faisceau du phare, la poussée de l’amer où d’une voix forte et amicale, il clame et jette des balises aux amis, en passant impénitent. Chaque poème est dédicacé. Les notes en fin de volume apportent d’utiles compléments biographiques et géographiques qui dimensionnent le parcours poétique de l’auteur. Ouvrant le bal des dédicataires, Lawrence Durrell (1912-1990) est l’écrivain et voyageur britannique installé à Sommières, dans le Gard, durant les trente dernières années de sa vie, sur les conseils de Jacques Temple « où la lumière et les oliviers lui rappelleraient sa chère Grèce ». « Caravane », le poème offert à Durrell, sur des accents rimbaldiens, déploie la geste humaine dans son errance forcenée et opiniâtre, à la recherche, comme pour les Vagabonds des « Illuminations », « du lieu et de la formule » : « chaque pas remplacer le mot inutile et béant ». La vie et l’œuvre restent à faire, de concert, en écho, se nourrissant mutuellement. Les poèmes s’enchaînent et s’enchâssent au gré de lieux découverts de par le monde, des « anciens parapets » de l’Europe au continent américain. Le poète n’oublie jamais le Languedoc et ses terres âpres, éclatantes et brûlantes. Le Larzac revient à plusieurs reprises avec ses corbeaux craves à bec rouge parlant la langue d’oc. Outre l’apparente simplicité de l’écriture, les poèmes sont sertis de mots précis et précieux, d’un vocabulaire naturaliste que ne renierait pas un géopoète dans le sillage de Kenneth White.
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