Sans doute l'ancrage de ce roman dans la réalité contemporaine, sinon dans l'actualité, c'est la prolifération des dénonciations des crimes de harcèlement sexuel. Ici, néanmoins, l'accusation que la jeune lycéenne frustrée Nymphea porte au chanteur pop déclinant Avishaï est une calomnie. La narration se développe entièrement sur présupposés et les conséquences psychologiques du mensonge de l'héroïne ainsi que de l'ensemble des personnages qui, de près ou de loin, sont proches d'elle ou viennent à croiser son chemin.
L'auteure confirme ses trois principaux atouts de romancière : sa capacité de ciseler une analyse psychologique extrêmement fine et profonde des personnages ; son habileté à créer, autour de l'événement dramatique initial, une terrible machination qui, par ses retombées imprévues, garde le suspense jusqu'à la fin ; son don stylistique pour une description aussi précise qu'ironique.
Bien au-delà de l'histoire de la fausse accusation de tentative de viol sur mineure, dans une perspective où le lecteur est conduit à comprendre les motifs et à éprouver de l'indulgence pour tous : pour Nymphea et sa très jolie sœur Maya, pour sa mère intransigeante et son père introverti, pour Leo qui profite d'une opportunité de chantage pour devenir le petit ami qu'elle ne désire que trop, pour la mère adultère et le père lieutenant-colonel de celui-ci, pour le vil innocent Avishaï et pour la policière projective Dorith, l'on se retrouve devant un défilé d'imposteurs – ou, au choix, une déclinaison de mensonges : jusque dans la personne du mendiant faux sourd-muet et de Raymonde, la vieille pensionnaire d'une maison de retraite qui se fait passer pour sa meilleure amie récemment décédée, Rivka, qui était une rescapée des camps nazis.
Je suis sensible au thème de l'imposture et apprécie grandement les qualités de cette écrivaine ; toutefois ce qui m'a manqué dans ce roman, c'est d'avoir appris quelque chose de la vie en Israël, contrairement à son premier opus, sur les années 40-60, et à son deuxième, concernant la problématique contemporaine des migrations.
Cit. :
« Chaque fois qu'elle mentait, elle sentait son corps transpirer d'une façon très particulière. Au lieu de la sueur un peu visqueuse qui poissait sous ses aisselles, une espèce de moiteur se formait entre ses omoplates, comme après un sprint. L'odeur aussi était différente. Pas l'acidité habituelle et gênante qui se mêlait aux effluves de déodorant. En fait, ses mensonges ne sentaient presque rien, mais ils imprégnaient ses tee-shirts d'une humidité persistante. La sueur des mots trompeurs coulait le long de son dos et aussi, quand elle avalait sa salive, le goût sur sa langue était différent. » (pp. 134-135).
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