Depuis la réforme du Code pénal en 1993 jusqu'aux évolutions les plus récentes apportées par l'affaire Weinstein et peut-être aux mutations imminentes concernant la PMA et la GPA, en passant par la loi Schiappa qui institue l'infraction d'outrage sexiste ainsi que par la dernière loi sur la prostitution, très controversée, qui date de 2016, le droit civil et pénal concernant le sexe semble faire l'objet d'une modernisation aussi étendue qu'accélérée. Alors que, longtemps, la désignation même des délits par la loi a relevé des euphémismes les plus grotesques, comme de nommer le viol : « attentat violent à la pudeur », cette métamorphose, malgré tout ce qui reste critiquable et débattu, rend la législation le plus conforme possible aux évolutions sociétales en présence et à nos représentations de celles-ci, inquiétudes et indignations y comprises. Les tensions entre les différentes instances de jugement, entre le législateur et le Conseil constitutionnel, entre le droit national et les pressions internationales, en particulier exercée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme, dynamisent cette matière fluctuante et magmatique. Là où un décalage demeure entre la loi et les mœurs, la jurisprudence prête le flanc à l'humour : qu'il s'agisse de décisions relatives à des affaires sordides ou à des situations étonnantes et improbables. (Dans mes cit., j'ai privilégié ces cas-là, respectivement sur le sadomasochisme, la prostitution, l'inceste).
Ce livre est un précis aussi agréable à lire que le droit peut être vivant, aussi docte qu'en adéquation avec l'actualité, aussi sulfureux qu'anecdotique. Tout en mettant en évidence les derniers développements législatifs et jurisprudentiels en matière de sexe, il ne néglige pas des rappels historiques même très anciens qui rendent le sujet savoureux et ironique, même sur des thèmes scabreux ou abominables.
Les thèmes suivants sont traités sous ces titres délicieusement formulés :
1. « Chéri, fais-moi mal ! » - où le consentement adulte n'influe pas sur la caractérisation des délits de violence - concernant le sadomasochisme et les contrats entre maîtres et esclaves sexuels (celui entre Leopold von Sacher-Masoch et Wanda de Dounaïeff est une vraie page d'anthologie...), mais aussi l'excision, les « actes de barbarie », les MST, les appels téléphoniques et messages malveillants ;
2. « La loi du plus fort » - sur le viol, les agressions et atteintes sexuelles ;
3. « Promotion canapé » - sur le harcèlement sexuel entre États-Unis et Europe, entre droit pénal et droit du travail ;
4. « Le plus vieux métier du monde » - où la prostitution se décline en « racolage », pénalisation des clients et proxénétisme ;
5. « Jamais deux sans trois » - où le mariage inclut la notion de « devoir conjugal », l'adultère, le concubinage et la polygamie ;
6. « Petits, petits, petits » - où l'enfance est concernée par : la contraception et l'avortement, l'accouchement sous X, les filiations, l'adoption, GPA, PMA, l'autorité parentale et l'homoparentalité, l'éducation sexuelle, la pédophilie, l'inceste ;
7. « Voir et être vu » - sur le voyeurisme, l'atteinte à la vie privée, le droit à l'oubli numérique, l'exhibitionnisme ;
8. « Sodome, Gomorrhe, Conchita Wurst et les autres » - sur l'homosexualité, le mariage pour tous, l'homophobie, le transsexualisme ;
9. « La Belle et la Bête » - sur la zoophilie ;
10. « Eros et Thanathos » - sur la nécrophilie ;
11. « Et la culture dans tout ça ? » - sur la censure littéraire, cinématographique, sur la pornographie et même les sex-shop.
12. S'ensuit le recueil complet des textes législatifs et réglementaires cités dans chaque chapitre.
Cit. :
« La loi est d'ailleurs sévère pour les adeptes malchanceux – ou aigris – des galipettes musclées : lorsque ces violences sont commises par le concubin ou le conjoint ou encore plusieurs, les peines sont aggravés. Mieux vaut assouvir ses instincts fouetteurs loin du domicile conjugal.
De même, l'usage d'une arme alourdit fortement les sanctions. Et, en droit pénal, la définition de l'arme est très large puisque tout objet peut devenir, quand on s'en sert pour porter des coups, ce que les juristes appellent une arme par "destination". Familiers des pinces à sein, du chat à neuf queues, du scalpel ou sécateur s'abstenir... » (p. 18)
« À la suite de la publication en 2008, de photographies montrant Max Mosley s'adonnant à une séance de sadomasochisme, l'ancien Président de la Fédération Internationale de l'Automobile a obtenu la condamnation du tabloïd, tant au Royaume-Uni qu'en France, pour violation de sa vie privée. Ainsi, le droit civil autorise ce que le droit pénal réprime quant à lui. » (p. 19)
« Cette interdiction [de toute forme d'aide à la prostitution] recouvre également l'aide réciproque que les prostituées peuvent s'apporter entre elles […] Ne sont pas visées ici les prostituées travaillant à plusieurs avec le même client lors d'une séance collective. Toute participante "active" à la même séance est hors d'atteinte. En cas de descente de police, il ne reste plus qu'à celle qui ne faisait qu'assister aux ébats à se "jeter à l'eau" pour échapper à la répression ! » (p. 91)
« En droit, l'inceste – tout comme la pédophilie – n'existe pourtant pas en tant qu'infraction isolée. La loi du 8 février 2010 avait créé une définition des crimes incestueux [… Après abrogation de la disposition par le Conseil constitutionnel, est désormais en vigueur l'article 227-27-2-1 du Code pénal] Ainsi seront qualifiés d'incestueux les viols ou agressions sexuelles lorsqu'ils auront été commis sur un mineur par un ascendant, un frère, une sœur, un oncle, une tante, un neveu, une nièce mais aussi le conjoint, le concubin, ou le partenaire de PACS d'une de ces personnes s'il a une autorité de droit ou de fait sur le mineur. (p. 150) […]
[…]
Autre particularité remarquable de l'inceste, alors qu'un attouchement commis par la conjointe de l'oncle de la victime sera qualifié d'incestueux, rien n'interdit à un neveu d'épouser cette même conjointe si l'envie leur en prend. » (p. 153)
----
[Recherchez la page de l'auteur de ce livre sur
Wikipedia]