Paris, 1959-1962. En écrivant ces dates, j’ai été pris d’un doute. Se peut-il que tous les événements abordés dans Requiem pour une république se soient tenus en seulement quatre petites années? Oui il se peut, quatre années chargées donc. La montée des activités du FLN sur le territoire dit métropolitain, les rafles policières parmi les ouvriers algériens sensées y répondre, la création du SAC et ses barbouzeries, la création de l’OAS et ses attentats, les premiers essais de la bombe nucléaire française dans le désert algérien, le massacre du 17 octobre 1961… Tous ces événements (et d’autres que j’oublie) sont abordés dans Requiem pour une république. Comme il s’agit d’un roman policier, il faut évidemment ajouter quelques personnages de fiction aux personnages bien réels mis en scène (Mitterrand, Papon, de Gaulle, Debizet, Debré et Le Pen pères …) et quelques intrigues policières fictives. Cependant, ce caractère fictif est purement formel tant ces histoires s’inscrivent pleinement dans l’Histoire. En d’autres mots, il n’y a peut-être pas eu de viol d’une étudiante française de ce nom à cette date, d’assassinat d’un avocat algérien et sa famille de ce nom à cette date et cette adresse ou encore de convoyeur de drogue de ce nom. Pour autant, ces événements fictifs ne peuvent qu’avoir des pendants réels très similaires.
Ce roman qui mêle le mitan, les anciens collabos et résistants, les membres de l’OAS et du SAC m’a fait penser aux romans policiers très à la mode en France après la seconde guerre mondiale et tout le long des années 50 et 60. Pour autant, si dans ces romans ces délimitations n’avaient que des fonctions claniques traversant le milieu en évitant toute implication politique (et pour cause, un certain nombre de leurs auteurs eux-mêmes n’avaient pas vraiment le cul propre comme par exemple Albert Simonin et José Giovanni condamnés pour collaboration ou Ange Bastiani qui, tout talentueux qu’il fut, n’échappa que de peu à l’épuration), il en va tout autrement dans Réquiem pour une république. Thomas Cantaloube, par ailleurs grand reporter pour Médiapart, nous plonge dans les méandres des intrications à première vue dénuées de logique politique. Les collabos aux hautes responsabilités dans le pouvoir gaulliste, les anti-gaullistes magouillant avec le SAC, l’OAS où se côtoient allègrement anciens résistants royalistes, collaborationnistes convaincus, gaullistes déçus… L’auteur nous plonge dans les méandres des bases pourries de la Vème république naissante, à nous en donner le vertige.
Cette chronique est extraite d'un dossier plus complet sur
l'Algérie et les polars.
Par ailleurs, Requiem pour une république vient de se voir décerner le prix des lecteurs du festival Anguille sous roche, de Saillans.
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