Je comprends que Helen Keller soit si célèbre aux Etats-Unis, car elle illustre parfaitement le credo américain "Pour réussir, il suffit de le vouloir et de s'en donner les moyens". De fait, son parcours est incroyable. D'enfant complètement isolée par son double handicap (sourde et aveugle à 16 mois, ce qui l'a empêchée d'apprendre à parler), elle parvient à sortir de son isolement et à faire des études littéraires de niveau universitaire. Et cela grâce à son intelligence hors norme, une énorme volonté de vivre, des efforts difficilement concevables - et aussi, beaucoup d'aide, de solidarité et de moyens mis à sa disposition.
Je ressens néanmoins une certaine frustration en ayant terminé ce récit. J'imagine que sa perception du monde, faite d'odeurs, de toucher, de vibrations, et de sensations, est fort différente de la notre. Pourtant, comme elle a appris à découvrir le monde via notre description de celui-ci (communiqué d'abord via un langage manuel dessiné sur ses mains, puis aussi via le braille), son livre semble écrit par quelqu'un qui voit et qui entend. Impossible, par le biais de ce livre, de concevoir son ressenti et son vécu intérieur.
Le récit me donne aussi envie d'en savoir plus sur l'éducatrice qui a rendu cela possible, Anne Sullivan. Elle me semble être quelqu'un d'aussi intéressant qu'Helen, et mériter sa propre biographie. Qu'est-ce qui a pu la motiver à rester toute sa vie auprès d'Helen, afin de servir d'intermédiaire entre Helen et le monde extérieur? Car la vie et les études d'Helen ont nécessité une tierce personne quasiment en permanence, afin de rapporter à Helen, via le langage manuel, les discussions et ce qui se passait autour d'elle. Qu'est-ce qui a pu l'amener à ainsi consacrer entièrement sa vie à Helen, quitte à ne presque plus avoir de vie propre? En filigrane se pose aussi une autre question: cela serait-il encore possible aujourd'hui? Car outre l'aide constante d'Anne Sullivan, l'éducation d'Helen a nécessité beaucoup de moyens et d'aide (sachant qu'Helen venait d'une famille très aisée). J'ose espérer que les structures étatiques et les progrès médicaux (en terme de prothèses auditives par exemple) permettent encore de nos jours à assurer un tel soutien aux enfants sourds et aveugles, même en l'absence d'une éducatrice dédiée en permanence au suivi d'un enfant.
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