« Pourquoi battait mon cœur ».
Le soulèvement populaire de juin 1832 approche. Anjolras chauffe la rue. Marius erre comme une âme damnée. Cosette donne le change à Jean Valjean. Chacun se cherche son idéal. Entre la lecture muette des signes du détachement de Cosette que fait Jean Valjean, la souffrance silencieuse d’Eponine repliée dans l’ombre, transie d’un amour indicible pour Marius, les reptations inquiétantes et sournoises de la bande Patron-Minette, l’altruisme de Gavroche, la proximité des cœurs de Marius et de Cosette, la venue progressive de l’insurrection républicaine, toute une pensée en mouvement s’exprime davantage par le langage des corps que par une rhétorique éprouvée. L’action qui en jaillira n’en sera que plus déflagrante.
Le 6e tome du manga des Misérables approche de son acmé avec la venue des barricades dans la rue Saint-Denis, lieu où convergeront les personnages principaux de la fresque hugolienne et où se jouera leur destin. Autant la grande histoire est esquissée, autant les protagonistes sont incarnés et s’insèrent naturellement dans la geste révolutionnaire, lui donnant corps et âme. Les amours contrariés sont symptomatiques d’une période troublée. Eponine, par un revers du destin, est devenue misérable alors que Cosette a retrouvé du lustre. Comment ne pas être ému face à la douleur muette de la belle jeune femme en guenilles, observant Marius qui se déclare à Cosette alors même qu’Eponine a permis cette rencontre pour plaire à Marius dont elle est éperdument éprise. Ce triangle amoureux vieux comme l’humanité, Edmond Rostand le sublimera trente-cinq ans plus tard à travers Cyrano se dissimulant dans l’ombre du balcon de Roxane pour lui souffler des mots incandescents que Christian ira déposer sur les lèvres de la précieuse : « Sens-tu mon âme, un peu, dans cette ombre, qui monte ? ». Comment ne pas être remué par la générosité et l’humanité gouailleuse de Gavroche, enfant de Paris, au visage de poulbot quand il recueille deux gamins errants et avec qui il partage le gîte (dans l’Eléphant de la Bastille) et le couvert (un quignon de pain blanc) ? Le roman historique et social de Victor Hugo conserve toute sa puissance dans l’adaptation de Takahiro Arai, mangaka fidèle et inspiré.
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