Fantine
Figure emblématique de l’innocence bafouée, Fantine occupe l’essentiel du tome 2 du manga des Misérables, roman adapté par Takahiro Arai. Alors que l’œuvre hugolienne fait partie du patrimoine culturel français, le lecteur d’aujourd’hui peut recoller les moments marquants de l’histoire dans le flux et la dynamique du manga. Fantine est montée à Paris. Sa beauté et sa fraîcheur font tourner les têtes. Ouvrière : « elle avait de la race ». Tholomyès, vieil étudiant viveur trentenaire, l’a séduite, mise enceinte et abandonnée lâchement. En cherchant à se retrancher dans sa ville natale de Montreuil-sur-Mer, Fantine va commencer son parcours de combattante. Chemin faisant, elle devra se délester de Cosette, sa fille adorée au profit des Thénardier, ignobles aubergistes rapaces qui réclameront toujours plus d’argent à une mère réduite au chômage, à la prostitution, à la misère et à la mort. Cela pourrait faire too much mais l’engrenage est fatal à une époque où une fille-mère est une pècheresse et une brebis galeuse à qui rien n’est permis sinon l’expiation. Le manga montre bien, sans appuyer, la décrépitude dans sa marche inexorable. Fantine conserve un visage de poupée au regard halluciné. Dans cette tragédie mise en place, Jean Valjean est devenu le riche et respecté entrepreneur Monsieur Madeleine, maire de Montreuil. L’inspecteur Javert, le « chien d’une louve », est aussi entré en lice. Il soupçonne Madeleine d’être Valjean, l’ancien forçat pour qui aucune rédemption n’est possible. Une scène de rue lui en donnera confirmation quand Madeleine soulève à mains nues une charrette d’un poids monstrueux afin que Fauchelevent, son plus fidèle détracteur, la jambe coincée, puisse s’extirper du piège mortel. La confrontation entre Madeleine et Javert va alors devenir inévitable.
Bien que la couverture couleur du tome 2 mette en avant la rivalité entre Valjean et Javert, Fantine est bien le personnage central du manga. Takahiro Arai s’est lancé dans une entreprise ambitieuse et titanesque avec une adaptation en 8 volumes des 1 800 pages du roman de Victor Hugo soit l’équivalent en nombre de pages dessinées. Les détails sont soignés tant dans les tenues vestimentaires que dans l’architecture du XIXe siècle. Le mangaka ne peut toutefois s’empêcher de restituer des expressions faciales à la mode japonaise, bouche béante, pupille démesurée, pommettes rougies. Cela ne nuit néanmoins en rien à l’ensemble, porté par un souffle épique ainsi qu’une puissance romanesque intacte.
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