Cet essai, qui remonte à 1997, est une bonne introduction, succincte et très lisible, du sujet de la sexualité humaine telle qu'elle est étudiée par la biologie évolutionniste. Sans approfondissement méthodologique et avec un minimum absolu (dérisoire) de références scientifiques, il offre cependant une première approche sur la question de l'influence de la génétique sur les comportements sexuels – les stratégies reproductives – telle qu'elle peut être déduite comparativement avec le monde animal et spécifiquement par contraste avec les autres primates, pour faire des hypothèses sur les ancêtres communs – à l'instar de la démarche des linguistes avec l'Indo-européen.
Le point de départ consiste dans le caractère exceptionnel (l'étrangeté) de la sexualité humaine : l'aspect le plus frappant, ce sont naturellement les relations qui interviennent à n'importe quel moment du cycle ovulatoire et sont donc beaucoup plus fréquentes que ne le requière la fécondation ; l'ovulation cachée ; la ménopause.
Parmi les autres questions affrontées :
Ch II : « La guerre des sexes », l'asymétrie des intérêts génétiques masculin et féminin est particulièrement exacerbée par la durée de l'investissement parental humain (10-20 ans) ;
Ch III : « Pourquoi les hommes n'allaitent-ils pas leurs nourrissons ? », explique bien le fonctionnement du développement différencié entre chromosomes XX et XY et sert à monter combien une mutation évolutive permettant la lactation masculine pourrait être accessible, voire proche (en temps évolutifs, naturellement...), chez l'Homme ;
Ch IV : « Ce n'est pas le moment », deux hypothèses presque contradictoires sur les conséquences de l'ovulation cachée par rapport à la monogamie ou à la polygamie. [La thèse de Matt Ridley, postérieure à ce livre, me semble de loin la synthèse la plus convaincante].
Ch V : « À quoi bon les hommes ? », examine en particulier la division genrée du travail et les rôles familiaux respectifs dans une organisation humaine de chasseurs-cueilleurs. [La thèse de Ridley émerge subrepticement ici – cf. cit. infra]
Ch VI : « En faire moins pour en faire plus », se penche sur la ménopause féminine, conçue comme moyen de favoriser la longévité des femmes, et sur ses conséquences bénéfiques pour la postérité au-delà de la reproduction [j'y trouve comme un écho du concept de « phénotype étendu » dû à Richard Dawkins, où les gènes opèrent aussi en dehors de la filiation et des individus].
Ch VII : « Ethique publicitaire », soutient que le concept de « signal sexuel » utilisé par les zoologues est pertinent aussi pour les hommes : en particulier en font partie les signaux de la maturité sexuelle (pilosité, mue de la voix, etc.), ceux qui indiquent la condition physique donc le « sex-appeal » (masse musculaire, répartition de la graisse, indicateurs de l'âge dans les traits du visage, etc.) et aussi (hypothèse avancée sans en donner de justification) la disproportion de la taille du pénis humain par rapport aux autres primates.
Après avoir lu quelques livres de Matt Ridley, j'avoue que je n'ai pas le sentiment d'avoir appris grand-chose de Jared Diamond : les points traités ici y sont abordés dans The Red Queen, de façon d'autant plus convaincante qu'une variété de théories et d'études sont citées par l'auteur anglais qui n'apporte son explication qu'à la fin de chaque argument. Mais il faut néanmoins reconnaître à Diamond le mérite d'avoir écrit plus tôt, en ouvrant sur de nombreux points de vue, et de façon certainement plus abordable.
Cit. :
« Comparons à présent […] les deux stratégies de chasse [… nommées] du "bon père de famille" et du "fanfaron". Le premier recherche de la nourriture à rendement modeste mais sûr, comme l'amidon des feuilles de palmier et les rats. Le fanfaron chasse le gros gibier. Comme il n'est qu'occasionnellement chanceux et rentre le plus souvent bredouille, son rendement moyen est inférieur. Le bon père ramène en moyenne plus de nourriture à sa femme et à ses enfants, bien qu'il n'y ait jamais assez d'excédent pour nourrir qui que ce soit d'autre. Le fanfaron ramène en moyenne moins à sa femme et à ses enfants, mais à l'occasion, il a, il est vrai, beaucoup de viande à distribuer aux autres.
Evidemment, si une femme estime son avantage génétique au nombre d'enfants qu'elle peut compter amener à l'âge adulte, […] elle a tout intérêt à épouser un bon père. Mais il est également dans son intérêt d'avoir des fanfarons pour voisins, auxquels elle pourra à l'occasion proposer des rapports adultères en échange de rations de viande supplémentaires pour elle et ses enfants. En fait, toute la tribu apprécie le fanfaron à cause de la bonne affaire qu'il partage à l'occasion avec tout le monde. » (pp. 118-119)
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