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[L'angoisse d'Abraham | Rosie Pinhas-Delpuech]
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apo



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Posté: Dim 05 Nov 2017 14:09
MessageSujet du message: [L'angoisse d'Abraham | Rosie Pinhas-Delpuech]
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L'angoisse d'Abraham, disons-le sans ambages ni hésitation, c'est « la terreur obscure et grande » de l'errance, dans l'instant où elle est vécue et dans le temps indéfiniment ultérieur de la réflexion de l'errant sur sa condition. Outre l'explication biblique qui en est fournie dans le pénultième chapitre (en fait, la véritable conclusion du texte, et qui aurait peut-être gagné à être celle du livre), ce concept éponyme apparaît à chacune des trois étapes migratoires de Rosie : d'Istanbul à Grenoble, de Paris en Israël et retour.

Cet ouvrage est donc une autobiographie intellectuelle de cette errance, agrémentée de considérations plus générales et d'un grand intérêt sur l'apprentissage des langues et des cultures, in situ ou depuis un ailleurs, sur la manière dont ce savoir se transforme en identité, en appartenance, avec cependant des conditions nécessaires de réception de la part de la société d'accueil – qui ne sont pas toujours avérées, ni en France ni en Israël, en tout cas pas pour tout le monde. Ce « savoir-identité » est exploré, il peut être examiné comparativement, aussi bien pour l'identité française-en- langue-française de l'auteure que judéo-israélienne-en-hébreux. Je m'arrête un instant ici, car je crois avoir compris que la judéité aussi, en particulier dans sa version israélienne, a été « apprise » par Rosie : elle aurait sans doute été différente sans les avatars migratoires. La preuve en étant en partie, mais sans doute pas uniquement, le titre de l'ouvrage, c-à-d. d'avoir mis sur son sentiment le nom d'angoisse tout en donnant au concept une signification métaphysique tirée de la Bible, au plus près de la lettre du texte hébraïque.

Il est également intéressant de lire les paysages de la vie estudiantine à Nanterre dans les années entre la décennie 60 et 70, et d'un kibboutz à la même époque. Tout ce qui est dit de la vie en Israël et de sa réception des « arrivants » et des « cousins » palestiniens – « Gher » (étrangers) ET « Tochav » (résidant) comme Abraham se qualifie lui-même lorsqu'il demande une sépulture pour son épouse Sarah – ses propos dépourvus d'angélisme et de parti pris idéologique, apportent des lumières difficilement accessibles dans la presse ou dans d'autres sources. L'analogue français est hélas plus connu, pour peu qu'on ait la bonne volonté de se pencher sur notre littérature migrante, dans laquelle cet ouvrage s'inscrit aussi, tout naturellement.


Cit. :

« Et un jour, ce fut le départ. Comment il a été possible, ça ne s'explique pas, ça se vit obscurément, comme un écart, une inquiétude, une trahison irréparable. Comment on peut tourner le dos à ce qui fut bon pour soi et reprendre le chemin de l'étranger, de l'hostile, la réponse est à chercher plus loin peut-être, longtemps après, dans ce que cette perte a ouvert sur un horizon inconnu. » (p. 183)

« C'était vers midi, nous nous sommes assises dans la cuisine, je me suis entendue lui dire d'une voix blanche, à peine un filet atone dont j'ai le souvenir auditif, que je n'avais plus de mots dans aucune langue, que ce n'était pas de l'aphasie, que je pouvais former des phrases l'une après l'autre, mais que j'étais comme morte debout. » (pp. 193-194)

« […] "ariri" signifie "désenfanté", écrit-il en traduisant par le mot français du XIe siècle dans son commentaire en hébreu. Mais "ariri" vient aussi de "er", dit Rachi, qui signifie lucide, vigilant. Je vais, je marche, comme tu me l'as ordonné et j'ai acquis de la lucidité, je vois ce qui se passe. Le mot "ariri", poursuit Rachi, signifie aussi "ruine", "destruction". Et aussi "ébranlement". Je suis lucide et ma lucidité me ruine et m'ébranle. Je suis proche de la mort, lucide et stérile. » (p. 224)

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