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[Shibumi | Trevanian]
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Franz



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Posté: Sam 27 Mai 2017 17:28
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La vie tout de go.
T. Darryl Starr, agent de la CIA, doit rendre des comptes à la Mother Company après l’attentat meurtrier dans l’aérogare de Rome. L’officine américaine occulte cornaque la CIA, chapeaute la NSA et manipule l’OPEP avec l’objectif de contrôler toutes les ressources énergétiques planétaires. La CIA a dépêché deux tueurs d’ascendance japonaise affiliés à l’agence américaine de renseignement et chargés d’éliminer un groupuscule terroriste. La sinistre besogne accomplie, les deux nervis sont immédiatement abattus par deux agents de la CIA postés en embuscade. Les présupposés terroristes œuvraient à éliminer les derniers responsables des attentats des jeux olympiques de Munich. Si les deux jeunes Israéliens ont été assassinés, Hannah Stern, membre du groupuscule, passe entre les mailles létales et continue son voyage quasi en état de choc jusqu’à Pau afin d’atteindre le Pays basque et trouver Nicholaï Hel, tueur à gages à la retraite et ancien ami de son père défunt. Pour Diamond, un des responsables de la Mother Company, l’attentat maquillé de Rome est un fiasco car outre les victimes innocentes prises dans la fusillade dont il n’a cure, la jeune femme du groupe a pu fuir et retrouver Hel, personnage jugé dangereux au regard de son passé de tueur et de ses capacités intellectuelles et extrasensorielles. Diamond, flanqué de Starr et d’Haman, un apprenti terroriste arabe affilié à l’OPEP, décide de se rendre personnellement en Haute-Soule, au château d’Etchebar, demeure du Sieur Hel, samouraï accordant son jardin loin des vicissitudes du monde.
Le roman d’espionnage de Trevanian ne peut laisser le lecteur indifférent tant il brasse d’émotions retenues et de haine aveugle, de mépris affiché et de considérations subtiles. La principale irritation malheureusement persistante réside dans les propos récurrents de l’auteur tenus par ses personnages quant à l’idée de comportements déterminés par la « race » et la « masse molle » qui s’ensuit. L’ethnocentrisme justifie sa misanthropie. Trevanian a beau vouloir s’affranchir de toutes nationalité et idéologie, il juge et condamne les peuples selon des présupposés généralisés qu’il puise dans ses propres valeurs inféodées à son milieu d’origine, pour preuve la caricature qu’il dresse de Beňat, dit « Le Cagot », selon une vision américaine stéréotypée sans aucune finesse, inventant un Basque exubérant, vantard et intarissable, costaud, fidèle, intrépide, jouisseur et jurant à tour de bras avec des expressions ordurières, crispantes et plates comme seul un ersatz d’Hemingway pourrait en proférer. Trevanian ne confond toutefois pas la masse abrutie et l’individu qui peut s’élever au-dessus des contingences sociales et du prêt-à-penser. Nicholaï Hel est ce samouraï apatride, polyglotte, maîtrisant l’art martial de tuer à main nue, spéléologue de haut niveau, adepte des techniques érotiques japonaises, capable naturellement d’envolées mystiques et doté du sens de la proximité qui lui permet de percevoir les intentions à distance et de se repérer dans le noir total. Tout cela pourrait exaspérer et ennuyer si l’auteur ne savait construire son roman en dessinant avec subtilité l’itinéraire mental d’un joueur de go à la recherche du shibumi, cette attitude de « retenue et de mesure » allant jusqu’au dépouillement extrême que Trevanian évoque avec la force décuplée de la sobriété dans les trois dernières pages de son œuvre. Si la première partie du roman passionne lorsque le passé de Nicholaï Hel est révélé, les vies à Shanghai puis à Tokyo sont stupéfiantes de force et de vérité, l’ultime rencontre avec le colonel Ishigawa est bouleversante, la seconde partie qui traite du déroulement de l’affaire en cours est moins réussie mais elle comporte néanmoins de grands moments. Si l’auteur soulève bien des pistes captivantes dès les années soixante-dix (théorie des climats, ordinateur fouillant les vies privées, supranationale captant les ressources d’énergie, etc.), il s’élève bien au-dessus des canons du roman d’espionnage en orchestrant les contrastes (cerisiers en fleur et tapis de bombes sur Tokyo, abnégation de Nicholaï et brutalité des tortionnaires, etc.) et en esquissant l’arabesque évanescente d’une vie intense ballottée comme un pion sur un jeu de go.

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