Ce livre est un long soliloque d'une femme qui parle de sa relation avec son mari et père de leurs trois enfants qui, nous dit-elle, aime une autre femme. Il a failli partir avec elle mais un accident (il a été renversé par une voiture) l'en a empêché. Après un séjour à l'hôpital où sa femme est venu le voir chaque jour, il est de retour à la maison et peu à peu il retrouve ses forces et sa mobilité. Au fur et à mesure que sa convalescence se confirme, sa femme s'inquiète de le voir repartir un jour vers l'autre femme.
Cette femme qui parle est obsédée par ce qu'elle redoute : l'abandon de son mari. De lui, on sait seulement qu'il a eu une enfance solitaire dans une ferme, qu'il a combattu pendant la guerre d'Algérie et qu'il est éboueur. D'elle on ne sait rien, sinon que pour amener un peu d'argent à la maison après l'accident, elle devient femme de ménage pour une famille voisine. Visiblement, elle n'a pas d'ami(e) à qui se confier, elle est seule face à cet abandon et elle ressasse sa crainte et sa douleur d'être délaissée. Elle a une fille aînée qui est elle-même mère mais elles ne parlent pas de la situation (cette éventualité n'est d'ailleurs même pas évoquée). On est dans l'enfermement, dans l'obsession. Pas très loin de la psychose.
On peut admirer (et de nombreux critiques et lecteurs l'ont fait) l'art de Laurent Mauvigner à exprimer cette situation dramatique en s'en tenant au seul discours de cette femme. Mais c'est aussi le choix de l'auteur d'enfermer ce personnage dans une voie qui semble sans issue, de rendre son personnage incapable de communiquer avec les autres sans nous en donner la moindre explication. En enfermant son personnage, il enferme aussi son lecteur et, pour ma part, ça me rend mal à l'aise. Par la position radicale dans laquelle il met son personnage, Mauvigner m'empêche de communiquer avec lui et j'assiste impuissant à sa descente en enfer. Cela relève certainement d'un parti-pris littéraire, esthétique, peut-être aussi politique de l'auteur (pariant peut-être sur le fait que toute tentative de compréhension serait un malentendu ?) mais cela ne correspond pas à ma conception de la littérature qui doit, à mon avis, non fermer des portes, mais les ouvrir, donner accès aux autres, quand bien même une bonne part de cet accès serait illusoire et fantasmé. Ici l'accès est bloqué, non par le personnage qui, par sa plainte, tente de s'exprimer, et aimerait (selon moi) en dire davantage. Mais bien par l'auteur qui nous prive de tout ce que son personnage principal aimerait nous dire, sans parler des autres.
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