Ce roman graphique autobiographique narre l'histoire d'une double migration tout en retraçant l'Histoire d'Irak depuis les années 50 jusqu'à aujourd'hui, dans la mémoire familiale et les souvenirs d'enfance de l'auteure.
Sa mère française rencontre son père irakien dans le Paris de l'après-guerre, où celui-ci vient parfaire ses études d'odontologie, et le couple part s'établir en Irak. Cette famille de chrétiens arabes vit une prospérité supérieure à celle de la France, le père étant dentiste militaire en sus d'exercer dans un cabinet privé, et n'est pas affectée par les deux coups d'Etat, en 1958 puis en 1966, qui provoquent la prise de pouvoir du parti Baas. Si un régime de plus en plus fondé sur la censure et la délation se met en place, c'est encore Paris en juin 68, où l'on vient passer les vacances comme chaque été, qui paraît à la petite fille "un endroit dangereux".
Mais bientôt le nationalisme du Baas oblige le père à choisir entre sa femme étrangère et son poste de militaire, et en 1972 la famille s'installe en France, malgré les mises en garde de la mère. L'accueil y sera brutal : le père n'est pas autorisé à exercer la médecine ni ne trouve d'autre travail pérenne, on tente de refuser la carte d'identité française à la mère, la fille, qui parle mais n'écrit pas le français, est en échec scolaire, la précarité s'installe. Pendant ce temps, l'Irak se trouve empêtré dans dix ans de guerre contre l'Iran (1980-1990), puis dans la Première guerre du Golfe. Les parents irakiens souffrent de privations, il y a des blessés, la situation sociale connait l'arriération, la dictature de Saddam Hussein devient plus sanglante ; d'autre part l'on n'a que très peu d'occasions de se rendre visite d'autant que la plupart des cousins émigrent partout dans le monde.
Le dessin, agréablement infantile, joliment colorié, surmonté de commentaires imitant une écriture manuscrite d'enfant, est agrémenté de photos de famille en noir et blanc. Le texte révèle sa nature de récit familial, et se compose de souvenirs d'enfance et d'adolescence - l'auteur apparaissant très peu dans son âge adulte. On voit les parents vieillir.
Mais ce qui rend la lecture très frustrante, c'est l'absence absolue de chronologie. La narration procède toujours par flash-back et digressions, et le fil qui relie les anecdotes est plutôt mince.
Bien sûr, je redoute que la démarche de l'auteure souffre de la comparaison avec Persépolis de Satrapi.
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