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[Tel fut Mussolini | Willy Sperco]
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Posté: Sam 26 Nov 2016 22:53
MessageSujet du message: [Tel fut Mussolini | Willy Sperco]
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Je parie que nous ne sommes actuellement guère qu'une demi-douzaine à qui le nom de Willy Sperco (Michele Guglielmo Sperco, Smyrne 1887 - Rome 1978) dit quelque chose – il n'est même pas sur Wikipédia ! -, encore moins nombreux à avoir en tête son visage rond et chauve, avec double menton, lèvres et verres de lunettes épais... C'était un Levantin de Turquie, issu d'une de ces anciennes familles catholiques établies dans l’Égée depuis des siècles (à l'instar d'André Chénier, de la mère d'Antonin Artaud, du peintre Giorgio de Chirico, et du presque président de la République [!] Edouard Balladur...) : représentant de compagnies de navigations puis armateur de son état, il était aussi journaliste dans la presse française de Turquie et auteur de plusieurs ouvrages ayant trait à la levantinité mais comprenant aussi une biographie d'Atatürk et celle-ci, consacrée à Mussolini. Il faut savoir que la communauté italo-levantine de Turquie a été très fortement fasciste, officiellement jusqu'à 1943, mais officieusement bien plus longtemps encore, au point d'avoir été en froid avec les autorités consulaires italiennes dans l'après-guerre.
C'est pourquoi si je ne préjugeais pas (entièrement) que cet ouvrage, publié à Paris en 1955, fût une sorte d'hagiographie du Duce, j'ai été quand même vigilant à traquer toute bienveillance indue pour le dictateur, et ma satisfaction est d'autant plus grande de n'en point avoir trouvé. Pas une once, même vis-à-vis de l'époque (1922-1935) où la presse internationale ne tarissait pas d'éloges à son égard. À croire que, sur ce sujet du moins, Sperco était plus italien que levantin au moment d'écrire...
Cependant, ceci est l’œuvre d'un journaliste, non d'un historien : ni sa personnalité, ni sa prose ni l'absence de recul historique n'eussent permis l'inverse. Sa bibliographie, riche quand même de 59 ouvrages, se compose très majoritairement des souvenirs et des mémoires des contemporains et proches de Mussolini, parus abondamment et précocement dès la chute du régime, autant en langue italienne que française. Dans sa production journalistique aussi, Sperco adorait rapporter des ragots de la vie privée, voire parfois des cancans, et l'on ressent combien il s'en est donné à cœur joie, dans cette biographie, de moquer les guêtres blanches de celui qui n'avait pas mangé à sa faim dans sa jeunesse...
L'écriture est donc à la fois légère, presque pétillante, et d'une extrême densité en événements et détails divers, et une attention particulière méritent les citations, extraits parfois assez longs tirés de ces mémoires, en particulier ceux de Leo Longanesi sur le début de fascisme, du « Journal politique » de Galeazzo Ciano sur le désaveu du Grand Conseil du Fascisme le 24 juillet 1943, ainsi que les mémoires de l'amiral Franco Maugeri, chargé de conduire Mussolini dans ses deux premiers lieux de détention, et qui reçut de lui, au cours de la navigation, le bilan complet de ses vingt ans de gouvernement et de la conduite désastreuse de la guerre, avec toutes ses omissions, erreurs avouées, excuses implorées et mensonges avérés de l'homme aux abois. Ce sont là des documents très intéressants que les historiens, bien évidemment, n'ont plus cités ensuite.
Mis à part les chapitres sur les origines et la prise du pouvoir fasciste, qui m'intéressent spécialement en ce moment, j'ai été surpris du bilan militairement très positif que Sperco dresse de la campagne d’Éthiopie (contraire à mes connaissances), et j'ai été conforté dans mon jugement que « le divorce entre le Duce et son peuple [fut] consommé » en août 1940, date à laquelle Mussolini, sur un coup de tête qui laissa tout le monde pantois, demanda d'ajouter le volet militaire à l'alliance instituant l'Axe, entraînant automatiquement l'entrée en guerre de l'Italie aux côtés de Hitler, que ni celui-ci ni Ribbentrop ne lui réclamaient. Il apparaît que Mussolini avait reconnu lui-même qu'il « envo[yait] le peuple au combat à coups de pied au derrière » (p. 181), sans parler de la fureur de son état-major. La lucidité des dignitaires fascistes lors de la destitution de Mussolini, et la cécité de ce dernier avant et pendant l'instauration de la République de Salò, gouvernement fantoche de Hitler en Italie du Nord, laquelle éclaire également d'un autre jour, encore mois héroïque, le comportement du Roi, m'étaient également inconnues.
Il semblerait en tout cas, dans la démarche et sous la plume de Sperco, que la décision de 1940 et la très considérable dégradation physique du dictateur dans les années successives aient été le résultat surtout de... ses crises insupportables d'ulcère gastrique.

Cit.
D'après Longanesi :
« L'État fonctionne.
Les trains arrivent selon l'horaire.
Les affaires marchent.
Si on jette une lettre à la poste, elle parvient à destination.
En vérité, je te le dis, nous n'aurons plus la liberté, mais on est mieux servi, même dans les boutiques, affirme ma mère.
Le fonctionnaire éprouve enfin la vanité de servir avec zèle. Il sent qu'il est une pièce d'une machine qui fait l'Histoire. […] L'employé savoure le plaisir de commander. Et tous, en Italie, finissent par commander. Nous sommes quarante millions de commandants ; l'avant-dernier de la hiérarchie commande au mendiant de mendier avec plus de dignité nationale. » (p. 109)

« Alfieri ouvre la porte et dit à Mussolini [qui est en entretien avec Hitler en juillet 1943] que le général désire lui parler d'urgence. Le Duce sort.
- Vous avez mené le pays à la ruine, lui dit Ambrosio. Vous devez le tirer de l'abîme. Vous devez parler clairement, exposer la situation telle qu'elle est aux Allemands qui entendent se servir de l'Italie comme d'un rempart.
Mussolini répond :
- Vous croyez que j'ai peur pour ma peau ?
- Il n'est pas question de votre peau, dit Ambrosio irrité. Il est question de l'Italie !
[…] Mussolini se lève en disant :
- J'y penserai. » (p. 201)

Dino Grandi au Grand Conseil, le 24 juillet :
« Tu nous as imposé une dictature historiquement immorale. Tu as graduellement, jour par jour, supprimé nos libertés et violé notre droit. Tu as étouffé pendant des années nos individualités sous cette funèbre casaque. Tu voulais cette guerre. Tu l'as perdue.
[…]
Enlève de ta tête cette ridicule casquette de maréchal que tu t'es attribuée... Essaie de redevenir le Mussolini des anciens jours. Mais tu ne peux pas ! C'est trop tard ! Par ta folie, par ton incapacité, nous avons vu les destinées d'un grand peuple traitées comme des affaires privées. Nous sommes tous responsables et le pays va payer...
[…]
Parmi les phrases ridicules que tu as fait tracer sur tous les murs, il y en a une que tu as prononcée sur le balcon du palais Chigi en 1924 : "Périsse le parti, pourvu que vive la nation." Eh bien ! le moment est venu de faire périr le parti. » (p. 206-207)

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