Je me range dans le camp de ceux qui ont beaucoup aimé ce livre. Pour moi la littérature est un archipel composé d'îles très différentes les unes des autres, avec chacune ses parfums et ses sortilèges. Je ne juge pas un roman d'Arnaldur Indridason avec les mêmes critères qu'un roman de JMG Le Clezio, je n'ai pas les mêmes attentes en me plongeant dans un livre de Jonathan Coe ou de Jean-Philippe Toussaint. Mais dans chacune de ces îles j'aime être surpris, et parfois une seule phrase suffit. La vérité sur l'affaire Harry Quebert est pour moi un excellent polar qui mêle habilement deux époques de l'Amérique, les années 70 et l'année 2008, au moment de l'élection de Barack Obama à la Présidence. Le roman se situe essentiellement dans une petite ville du New Hampshire, Aurora, au bord de l’Atlantique mais plusieurs scènes se situent aussi à New-York. Un jeune écrivain new-yorkais, Marcus Goldman, va enquêter sur le meurtre, en 1975, d'une jeune fille de quinze ans, Nola Kellergan, dont se retrouve accusé un autre écrivain, son ami et mentor Harry Quebert. J'ai été particulièrement bluffé par la construction du roman, qui superpose à la réalité des faits, l'écriture de deux romans, celui d'Harry Québert, "Les origines du mal", écrit à l'époque du meurtre, qui deviendra un best-seller et celui que Marcus va tenter d'écrire sur "L'affaire Harry Quebert". Joel Dicker prend un malin plaisir à faire interférer ces deux plans, réalité et narration. Le thème du regard biaisé sur les autres (qu'ils soient pasteur, écrivain, serveuse de bar, handicapé ...), le jeu avec les clichés, le piège des apparences, des faux-semblants, des impostures (et notamment littéraires**), tout cela est subtilement orchestré par l'auteur pour nous égarer dans cette enquête tout en nous y rendant complètement "accros". Et l'on pourra aussi sentir planer sur ce livre l'ombre d'écrivains de romans noirs américains comme James Ellroy ou Truman Capote. C'est pour moi une totale réussite et j'ai hâte d'en découvrir la suite que J. Dicker en a donné avec "Le livre des Baltimore".
** Joel Dicker a lui-même été traité d'imposteur et accusé d'avoir plagié le roman "La tâche" de Philip Roth (à qui il rend pourtant explicitement hommage dans son livre) :
http://bibliobs.nouvelobs.com/rentree-litteraire-2012/20121105.OBS8048/joel-dicker-a-t-il-ecrit-une-pale-resucee-de-philip-roth.html
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