En août 1939, alors que Curzio Malaparte, écrivain déjà adulé avant que la Seconde Guerre mondiale ne lui donne le matériau pour ses chefs-d’œuvre sous forme de reportages de guerre – Kaputt et La Peau – ; personnage déjà redouté pour ses outrances dans les propos et les actes qui font de lui un homme et un fasciste infidèle et casse-cou (pour ne pas ajouter la fatale syllabe de plus...) – lui qui sera ensuite un maoïste improbable – ; ancien combattant héroïque de la Grande Guerre dont les images des carnages sur le front de la Marne le hantent toujours ; lorsque Malaparte, donc, accompagné de son chien Phébus (Febo) surdoué, se rend sur l'île de Capri pour présider au chantier de son étonnante Maison Comme Moi qui surplombe encore les falaises, tout en évoluant en coqueluche séduisante au cœur de la « jet set » internationale qui jouit des tout derniers instants d'une ivresse insouciante, il ne se doute pas qu'un traquenard lui est tendu. Accusé par la police secrète de Mussolini du meurtre d'une jeune poétesse anglaise survenu quatre ans auparavant, peut-être sur l'instigation d'un officier des SS qui est sa propre malédiction, l'écrivain se charge lui-même, à titre posthume, de se disculper. À titre posthume, car le récit de cette investigation menée en cavale constitue une opportunité de se racheter de ses nombreux péchés, parmi lesquels prime l'orgueil, que la Mort en personne, sous les traits de la plus élégante de ses maîtresses, offre à l'auteur dans un moment suspendu de son agonie.
Au cours du déroulement touffu de l'enquête, de nombreuses fausses pistes s'ouvrent et se referment, qui éclairent le lecteur sur des épisodes assez peu connus de l'Histoire des décennies ou des années précédent l'action : les luttes intestines des communistes russes, sous forme d'une partie d'échecs jouée à Capri la veille de la Révolution d'Octobre, les implications nationales et internationales de l'attentat fasciste contre le député Matteotti, les pratiques ésotériques, la voyance et les superstitions des nazis et de Mussolini, l'enjeu de la dissimulation de la couardise maladive d'Hitler pendant la Guerre de 14, l'homosexualité fort répandue en milieu nazi, et surtout l'imbrication aujourd'hui impensable entre les élites politiques fascistes et nazies et les autres élites traditionnelles des pays concernés mais aussi à plus vaste échelle : ancienne aristocratie, oligarchie industrielle et financière, intérêts pétroliers internationaux, etc.
Cette autobiographie fictive sous forme de thriller écrite par le couple italien d'auteurs de polars historiques Rita Monaldi et Francesco Sorti – dont quelques titres de la série de cinq polars qui se déroulent au XVIIe s. et dont le protagoniste est Atto Melani ont été traduits en français et publiés notamment par Plon et 10/18 – a plusieurs mérites : l'idée et la construction du roman sont originales et surtout le pari des auteurs est réussi d'imiter à la perfection le style du Maudit toscan.
PS : Les nombreux personnages historiques (« dramatis personae ») sont présentés en début d'ouvrage, ce qui facilite grandement la lecture, et leur ancrage à la réalité – ou à l'état actuel des recherches historiques – est récapitulé opportunément par des notes de fin d'ouvrage, auxquelles je me suis rapporté plutôt en cours de route.
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