Inspirez...
... c'est du Maylis de Kérangal, une écriture qui suscite l'apnée, chaque phrase poussant la précédente, créant une sensation d'empressement, d'urgence.
Ça tombe bien, c'est justement d'urgence qu'il est question.
De retour d'une session de surf ultra matinale, la fatigue aidant, un accident provoque la mort de Simon Limbres. La mort, telle qu'elle a été redéfinie en 1968 suite aux travaux de l'infectiologue Pierre Mollaret et du neurologue Maurice Goulon, qui ont occasionné une véritable révolution en remplaçant, au centre de la question vitale, les fonctions cardiaques et respiratoires par les fonctions cérébrales. Le cerveau de Simon a subi des dégâts irréversibles, mais ses organes de jeune sportif sont quant à eux intacts : sa mort va permettre à d'autres de vivre.
La glisse sur les vagues du littoral normand, l'accident, puis l'implication, à partir de l'hospitalisation, des acteurs qui vont œuvrer à la transplantation (les parents qui donnent leur accord, les chirurgiens, infirmières et coordinateurs pris dans une course contre la montre où le rôle de chacune doit être tenu à la seconde près), sont injectés dans la puissance du flux porté par le style de l'auteure.
A l'image d'un chirurgien, justement, elle déploie une efficacité exhaustive, décortique les viscères comme les sentiments, les pensées comme les événements faisant l'objet d'une succession de métaphores, de digressions égrenées au fil de longues phrases. Paradoxalement, cette profusion, et surtout cette manière quasi méthodique de l'organiser -avec un sens précis du détail et de l'équilibre dans le rythme conféré au texte-, crée parfois une impression de froideur. Cela ne m'a pas gêné, Maylis de Kérangal ayant l'intelligence et l'habileté d'adapter fond et forme, ralentissant parfois son débit, ouvrant des temps de latence pour laisser aux émotions l'espace nécessaire à leur expression.
Un véritable tour de force, en somme, et une adéquation parfaite entre style et propos... jusqu'à la moitié du roman.
Car j'ai trouvé la deuxième partie de "Réparer les vivants" en deçà de son excellent début. La tension, justement retombée durant ce moment charnière entre l'acceptation du don par les parents de Simon et la transplantation, ne retrouve pas selon moi suffisamment de force lors de ces moments pourtant cruciaux du transport des organes, par exemple. De plus, l'auteure se perd dans quelques digressions sans réel rapport avec l'intrigue, au cours desquelles mon intérêt s'est étiolé.
Je garderai malgré tout de cette lecture un bon souvenir... certains passages sont d'une beauté terrible, à l'image du thème difficile choisi par Maylis de Kérangal, qui rend avec son texte un hommage vibrant à cette aventure extraordinaire et généreuse qu'est le don d'organes.
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