Ce fût une drôle d'expérience... dans les deux sens du terme : à la fois bizarre et cocasse.
L'une des caractéristiques les plus remarquables de ces textes, est de prendre sans cesse le lecteur à contre-pied. Il ne s'y passe jamais ce à quoi vous vous attendiez, Henri Michaux déployant une logique -ou une absence de logique- qui lui est propre. Lire "Plume", c'est par conséquent accepter de se détacher de nos critères de "normalité", de parcourir des chemins aux méandres inattendues, d'aboutir à des conclusions sans aucun rapport avec ce qui les a amenées...
Les historiettes qui composent le recueil ont tout de même un point commun, c'est de mettre en scène le même personnage, celui qui en l’occurrence lui a donné son titre.
Plume voyage, va au restaurant, chez le médecin, marche au plafond... il rencontre quantité de personnages souvent étranges, et qui bien souvent font preuve envers lui d'une violence ou d'une agressivité injustifiées. Et si j'évoque en préambule de cette chronique la drôlerie de "Plume", il faut préciser qu'il s'agit d'un humour certes décalé mais surtout d'un humour noir, qui en appelle à l'horreur davantage qu'à la joie. On rit d'épisodes en réalité dramatiques, voire sanglants, parce qu'ils sont décorellés de toute notion de gravité, et présentés comme des faits n'induisant ni suite ni conséquence (la femme de Plume, déchiquetée par un train en début de recueil, réapparaît par la suite dans toute son intégrité...).
N'allez pas imaginer Plume lui-même comme un joyeux boute-en-train. D'après la manière dont les autres le considèrent, il apparaît comme un individu plutôt insignifiant, victime d'événements extraordinaires qu'il subit avec une passivité qui peut donner parfois l'impression qu'il est dénué de toute sensibilité. C'est d'ailleurs aussi cette absence d'impact sur ses émotions des tragédies qu'il subit qui nous les fait considérer avec détachement. A d'autres moments, c'est davantage par commodité et volonté de discrétion qu'il semble accepter sans regimber brimades et atteintes à sa personne, se montrant alors magnanime et philosophe.
C'est à un voyage au cœur de l'absurde et de la fantaisie que nous convie Henri Michaux. Un voyage à pratiquer en visiteur curieux et sans a priori... Parce qu'au final, que reste-t-il, lorsque vous ne pouvez vous raccrocher à la rationalité, ou à vos repères habituels ?... le pur plaisir que peuvent procurer l'écriture, et l'intelligente insolence de celui qui, refusant de suivre les sentiers battus, sait jouer avec les mots !
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