Ultime opus d’un écrivain et naturaliste américain rare & précieux, Au paradis, de Peter Matthiessen (1927-2014) ressemble à une élégie pour Auschwitz, un chant funèbre s’accordant souterrainement au registre de l’auteur pourtant sans lien direct avec la Shoah, cette catastrophe incommensurable programmée puis exécutée froidement par les nazis. Le professeur Clements Olin, américain d’origine polonaise, ne comprend pas les raisons profondes de sa présence au sein du camp de la mort avec une centaine d’autres personnes venus de tous les horizons, pour prier et méditer. Roman polyphonique hachuré par des retours en arrière ouvrant sur des abysses, les fantômes des victimes qui s’en dégagent s’animent dans l’esprit des vivants. Une atmosphère plombée s’abat sur la communauté cosmopolite où certains expriment publiquement leur parcours et leurs traumatismes, tous cherchant une rédemption ou une libération qui se manifestera collectivement de façon fugace et inattendue. Olin va se brûler à un amour impossible et son ballet désespéré est une parfaite illustration du désarroi humain gangrené par la déréliction et noyé dans la solitude.
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