[livre rare et assez inconnu, éd. française sans doute épuisée, peut-être plus accessible aux lecteurs de l'italien comme
Cima delle nobildonne]
Longtemps, j'ai cru que
Horcynus Orca, qui détient une place tout à fait exceptionnelle dans mon Olympe littéraire personnel (cf. [url =
http://www.agoradeslivres.com/ftopic6774.php] ) était le seul ouvrage accompli de cet étrange auteur sicilien (1919-1992) pour qui l'écriture a toujours été une activité libre et rebelle, prônée par les plus grands mais exercée en dehors des contraintes du monde de l'édition. Puis, je suis tombé sur ce roman qui suivit de dix ans (1985) l'épopée homérique ci-évoquée, dans cette traduction acquise sans doute dans une brocante ou chez un antiquaire et restée pendant des années dans un coin écarté de ma bibliothèque, jusqu'à ce que mes lectures actuelles gravitant autour des problématiques de genre m'y fassent m'en remémorer.
Problématiques de genre... Femme et Nobildonna... existe-t-il un fil moins ténu pour entrer en matière et annoter ce roman "qui ne ressemble à rien de ce que nous connaissons" (dixit l'éditeur), où l'Antiquité égyptienne se mêle à la science-fiction médicale, "un livre de Vie et un livre de Mort" (idem), dont les chapitres ressemblent parfois à des nouvelles autonomes, se succédant selon une logique aussi rigoureuse que complexe, enchevêtrée, au gré d'une l'architecture funambulesque, dans laquelle le symbole psychanalytique arc-boute le rêve et le bas-relief pharaonien la chronique baseballistique, "sans oublier le chien" (comme dirait JKJ).
La clef de voûte, c'est le placenta - plusieurs chercheurs y consacrent leur vie ; tous les personnages en font un objet obsessionnel.
L'histoire se déroule dans une clinique de Stockholm.
Un émir du Golfe y a conduit la princesse Amina, jeune hermaphrodite dont il fera sa quatrième épouse, pour y subir une vaginoplastie, opération menée
coram populo. Mais il souhaite surtout fonder une Placentathèque dans son émirat, dont il veut confier la direction à un collègue du chirurgien, Mattia Meli, Sicilien.
Celui-ci a été l'élève (le disciple) du professeur Amadeus Planika, Juif de Prague, responsable d'un Institut de Placentologie financé par une Américaine. Pour Planika, son objet de recherche est sublimé par une tablette égyptienne de l'époque de la XVIIIe dynastie, il lui donne même un nom de divinité. Une découverte scientifique absolument fondamentale (surtout sur le plan philosophique) dans sa discipline fœtale va cependant lui être fatale, au-delà de la circonstance de le pousser à déplacer son objet de sublimation sur une autre pièce égyptologique porteuse d'un mythe différent ou contradictoire avec le précédent. Mais à l'heure du bilan, l'on devine avec et chez le professeur une cause psychanalytique remontant à sa petite enfance (ayant pour cadre la Bohême des pogroms) voire à sa naissance même qui le lie à sa quasi divinisation du placenta.
Mattia hérite ainsi d'une dernière requête de son maître, concernant une concitoyenne de celui-ci, Irina Simiodice - qui s'avérera aussi vouée au placenta ou à son culte, requête qui se portera en particulier sur sa chienne, "femelle limier de type basset, race drever".
Si
Horcynus Orca était donc un
nostos au style ancien tourné vers la modernité, ce roman ressemble à de la médico-fiction au style postmoderne tourné vers l'intemporel. Déroutant.
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