Pierre Moulins, Gladys Delay et Jean-Charles Lefort suivent un stage d’alpinisme au Mont-Blanc sous la houlette d’un guide taiseux, Michel Botti. Chacun traîne sa propre histoire pleine de vacuité, de remords et d’élans ajournés mais la marche au sommet, sous les séracs, au bord des rimayes, leur redonne goût à la vie. L’effort conjugué en cordée, l’adrénaline et la pulsation du sang dans le danger et l’effort mêlés rapprochent les stagiaires, les rend loquaces à l’étape. Les préoccupations d’avant semblent s’épuiser à mesure que le groupe s’aguerrit au présent et retrouve une innocence perdue : « Et leurs cœurs ne s’y trompaient pas. Chaque aurore réinventait la veille, propulsant leurs solitudes dans un présent au parfum d’infini ». Pourtant, le parcours alpin n’est pas une sinécure. La foudre va frapper Pierre et sans l’intervention du guide, son trépas était assuré. Par son geste salvateur, Michel Botti se libère de la mort de son cousin Emile, pris lui aussi des années auparavant dans un orage de fin du monde : « Depuis, il vivait hanté par l’angoisse du survivant ». Las, les stagiaires décident de poursuivre leur périple sur les cimes, menés par un guide allégé de sa culpabilité, maître de sa force, de ses mouvements et grand connaisseur des lieux, la Pointe Eccles à 4 050 mètres puis le versant Frêney, « sorte d’amphithéâtre au pied des voies les plus ardues du Mont-Blanc, jusqu’au col de Peuteray ». Le parcours est engagé, l’émotion intense. Il faut dompter ses peurs et utiliser au mieux les acquis techniques. Les descentes en rappel, passé l’angoisse du vertige, sont des moments de pure jouissance mais le drame survient. Une avalanche prive le guide de son matériel, les clouant sur une vire sans aucune échappatoire. La mort dans l’âme, chacun s’accroche, franchit la première nuit mais déjà la seconde nuit s’annonce avec son cortège d’horreur, son froid glacial, des secours inexistants, la faim dévorante. L’épreuve traversée, jalonnée d’épouvante, va modifier définitivement les trajectoires individuelles des alpinistes.
Composé en deux parties, le roman d’Alain Pyre s’appuie tout d’abord sur une expérience limite où trois hommes et une femme, acculés physiquement et moralement, doivent s’accrocher coûte que coûte, tenir jusqu’au bout de l’horreur alors même que l’espoir n’est plus qu’une flammèche vacillante. Ensuite l’auteur s’intéresse à la façon dont chaque protagoniste ingère le traumatisme et oriente ensuite sa vie. Les vertiges intérieurs au-dessus de vides insondables déclenchent des bouleversements psychiques. Le vide métaphysique prend alors une consistance impénétrable, une densité infranchissable. Le livre est ambitieux, le sujet passionnant mais le traitement littéraire souffre d’une surabondance de phrases et de réflexions qui finit par égarer le lecteur pourtant pitonné au livre. Les histoires que se racontent les stagiaires bien calés sur la vire, les pieds ballotant dans le vide, sont ahurissantes tellement elles semblent déplacées. Peut-on disserter à l’article de la mort ? Un dégraissage aurait apporté une densité supérieure au récit mais peut-être alors que le cœur du lecteur n’y aurait pas résisté ?
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