Indignation
traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Marie-Claire Pasquier
Gallimard
D'abord, c'est une -bonne- surprise, même si j'ai également aimé les derniers romans de Roth, de le voir passer des tourments de la vieillesse et de la mort à l'indignation d'un jeune homme. Car ce " récit" à la première personne semble vraiment , grâce à son talent littéraire , être celui d'un très jeune homme qui se heurte en permanence à l'enfermement , à un statut, à une appartenance communautaire , qui tente de fuir ( en cela, le doyen de son université n'a pas tort) , fuir quoi, au juste? Et bien peut être le destin que redoute pour lui son père, la mort en Corée. Tout est planifié, il lui faut réussir , et grâce à sa réussite, ne pas devenir de la chair à canon. C'est son père qui le lui a appris, en le faisant accomplir à la boucherie familiale des tâches peu ragoutantes, ce qui doit être fait doit être bien fait. Et ce qu'il fait, notre pauvre Marcus, c'est du sauve qui peut..
Sauf que.. à 19 ans, on ne peut rien contre le désir sexuel, et que sa rebellion , bouillonnante à force d'accumulations de contraintes, de frustrations et de blessures, va exploser. Enfin, exploser.. Même pas, il va juste se lâcher un peu! Mais trop pour l'époque et surtout trop pour son manque de chance, car, on le découvre très tôt:
Oui, le bon vieux défi américain, 'Allez vous faire foutre', et c'en fut fait du fils de boucher, mort trois mois avant son vingtième anniversaire - Marcus Messner, 1932-1952 -, le seul de sa promotion à avoir eu la malchance de se faire tuer pendant la guerre de Corée, qui se termina par la signature d'un armistice le 27 juillet 1953, onze mois pleins avant que Marcus, s'il avait été capable d'encaisser les heures d'office et de fermer sa grande gueule, reçoive son diplôme consacrant la fin de ses études à l'université de Winesburg - très probablement comme major de sa promotion -, ce qui aurait repoussé à plus tard la découverte de ce que son père, sans instruction, avait tâché de lui inculquer depuis le début : à savoir la façon terrible, incompréhensible dont nos décisions les plus banales, fortuites, voire comiques, ont les conséquences les plus totalement disproportionnées.
Le destin, la chance et l'incompréhension clairement analysée devant des destinées individuelles, c'est un thème important dans les romans de Philip Roth que l'on retrouve encore une fois ici poussé presque à l'extrême dans une démonstration assez magistrale.
A noter en plus, , son don pour parler de métiers divers, ici un boucher kascher, dont il décrit les pratiques avec minutie, comme celles du gantier dans Pastorale américaine.
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