[L'école : le défi de la gauche. La première rentrée de Vincent Peillon | Maryline Baumard]
Il n'était pas à mon programme de lecture. Ma fille aînée, qui l'avait reçu dans le cadre de son travail, m'a proposé de le lire et je n'ai pas regretté de l'avoir fait. L'auteur est une journaliste, responsable du service éducation du Monde.
Il est vraiment intéressant de découvrir les dessous de l'élaboration et de la mise en œuvre, pendant quinze mois, de la politique scolaire actuelle : campagne électorale, nominations au gouvernement, choix des collaborateurs, relations de ceux-ci et du ministre avec les hauts fonctionnaires, discours, entretiens accordés aux journalistes, relations avec les dirigeants des divers syndicats. Parallèlement, on découvre divers aspects de la personnalité de Vincent Peillon. Un chapitre fait l'histoire des rapports entre la gauche et l'école (depuis 1981) avant que le livre ne se termine sur deux utopies/dystopies (selon les préférences politiques de chacun) situées en 2022 : la refondation de gauche et la refondation de droite de l'école.
« Ce qui se décide, aujourd'hui, rue de Grenelle, ne se retrouve pas le lendemain matin dans les classes », indique Maryline Baumard. D'autres commentateurs se montrent moins compréhensifs, dénonçant l'immobilisme ou le corporatisme des enseignants et les supposés blocages dont seraient responsables leurs syndicats. L'inertie de l'institution est bien réelle, mais c'est ailleurs que je la situe, dans la distance entre ce qui se décide rue de Grenelle et ce qui se passe concrètement dans la classe.
Prenons un exemple, celui de l'apprentissage de la soustraction posée qui a lieu pendant l'année de cours élémentaire première année. On fait d'abord effectuer aux enfants des soustractions avec des nombres qui ne nécessitent pas l'emploi de retenues, les chiffres du nombre d'en haut étant tous supérieurs à ceux du nombre d'en bas ( exemple : 45 – 13). Il faut ensuite passer au cas où, au rang des unités, le chiffre du nombre d'en haut est inférieur à celui du nombre d'en bas (exemple : 42 – 17). Le calcul 2 – 7 étant impossible, on va devoir ajouter une dizaine à 2 pour calculer 12 – 7, dizaine qu'il faudra ensuite soustraire dans la colonne des dizaines (d'où 42 – 17 = 25). Mais une partie des élèves va continuer à soustraire le chiffre le plus petit du chiffre le plus grand, (7 – 2 = 5 , d'où 42 – 17 = 35). Ce sera transitoire, heureusement, pour le plus grand nombre, mais certains vont persévérer durablement dans cette procédure inappropriée.
J'aurais pu tout aussi bien évoquer les difficultés pour certains élèves à distinguer dans la masse des mots les catégories qui ont un fonctionnement grammatical différent, verbes, noms, adjectifs qualificatifs, etc. avec les conséquences que cela entraîne en particulier en matière d'orthographe (« Les feuillent tombes » est un grand classique dans les petites classes).
On voit mal en quoi, même très indirectement, l'institution des cycles à l'école élémentaire (un exemple de décision prise rue de Grenelle) pourrait avoir un effet sur l'apprentissage de la soustraction ou celle de l'orthographe. C'est la réalité concrète de l'école, résistant aux plans sur la comète, qui est le véritable facteur d'inertie.
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