Ce que l'on apprécie dans les essais de la maison Autrement, c'est surtout l'interdisciplinarité des chapitres. Celui-ci, sur le Berlin de la République de Weimar, ne fait pas exception. Cependant, peut-être par rapport au titre et au sous-titre, j'ai éprouvé une partielle déception, qui ne s'est estompée que progressivement, à partir des deux tiers.
L'ouvrage est en effet divisé en trois parties : "Lendemains de guerre [...] (1919-1924)", "Modernisation, rationalisation, médias [...] (1924-1929)", "Retour de crise et violences politiques [...] (1929-1933)". Mais la fragmentation chronologique, que j'attendais avec intérêt, m'a semblé nettement moins prégnante que la singularité thématique de chacun des chapitres qu'elle renferme - et qui, naturellement, répondent inégalement à la curiosité. Aussi, les deux premières parties m'ont-elles semblé accorder un poids prépondérant à la démographie, à l'urbanisme, au détriment des arts et de la culture, alors que la politique et l'économie y sont totalement absentes. [La culture... c'est pourtant bien une photo tirée du
Métropolis de Fritz Lang qui paraît en couverture...]
De telle manière, l'aspect évolutif est mis en ombre. Pis, le côté "apocalypse" disparaît complètement, pour ne surgir que dans les deux derniers chapitres de la troisième partie : "Réunions hitlériennes" et "Scènes de la fin du monde", les seuls où il est question explicitement des agissements nazis. Et encore : même dans ce dernier, Alain Brossat soutient la thèse, intéressante et controversée, que le fameux 30 janvier 1933 (accession de Hitler à la Chancellerie) n'a rien d'apocalyptique, dans la mesure où Weimar n'est qu'une parenthèse, et la République "échoue, durant les quinze petites années qui lui sont dévolues, à imposer sa légitimité et ses valeurs consensuelles, elle échoue à s'imposer comme
culture [...]" (p. 219-220).
Le lecteur qui s'attendrait à une explication ou même à une simple description de la montée du nazisme à Berlin, cette capitale si différente et éloignée du reste du pays, sera donc déçu ; en contrepartie il trouvera une grande quantité d'informations et de données sur des aspects ponctuels, comme le féminisme, le théâtre et la musique d'avant-garde et leur réception, les réformes urbanistiques et d'habitat, l'homosexualité, le cinéma, la radio, la presse, et enfin, enfin, enfin quelques aperçus sur les affrontements entre les communistes et les nazis. Rares sont aussi les textes d'époque (témoignages ou autres documents) et, chose très étrange pour cette collection, l'on ne trouve qu'un seul texte littéraire : quatre petites pages de Joseph Roth sur les Juifs de l'Est...
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