Il y a des auteurs dont on n’attend rien. Leurs sympathies politiques les rendent infréquentables ou hautement recommandables selon le sens du vent et des girouettes. A.D.G. ne cache pas ses attirances extrémistes et droitières. Pour cela, il peut refouler très fort du goulot. Il m’aura fallu attendre bien longtemps avant de saisir un de ses livres sans les gants et le pince-nez d’usage. Sans rien renier de mes convictions liées à des idées de partage et de justice, de liberté et de respect, pouf-pouf, je dois concéder que le bougre sait diablement bien écrire et le plaisir de lecture est immédiat. Les premières phrases ont une ligne de flottaison impeccable et sont très accrocheuses pour le goujon de lecteur : « Tout avait commencé par un jour de juin, très chaud et très lumineux, de ces jours dont on se dit qu’ils vont servir à quelque chose parce qu’ils sont porteurs d’un enthousiasme secret. » Superbe entrée en matière pour donner le ton d’une vengeance implacable. Le petit-fils narre la mort de son pépé adoré et sa haine des trois malfrats qui l’ont liquidé parce qu’ils avaient un braquage sur les bras et les flics au cul. Un mauvais dos-d’âne et leur bagnole part en vrille. Pépère est sur leur chemin et sa vieille 403 représente la planche de salut. Seulement le vieux n’obéit pas au premier merdeux venu, même hystérique et armé d’une mitraillette. De toute façon, les clés sont restées sur sa vieille guimbarde. Rectifié pour rien, la mort de pépère doit être réparée. Pascal Delcroix, avocat, petit-fils du vieux tailleur de pierre, va prendre les choses en main, colt à l’appui. La remontée des pistes glissantes et la saisie des bâtons merdeux commencent.
La gouaille désabusée d’A.D.G. rend son écriture attirante avec un jeu sur les mots souvent réussi. La raillerie et le franc-parler y sont, travaillés de concert avec une fluidité du style rendant l’ensemble digeste. Le « Pessimiste joyeux », A.D.G., Alain Dreux Gallou, de son pseudonyme, Alain Fournier, de son vrai blaze, trop lourd à porter because le Grand Meaulnes, repose au cimetière de Véretz, en Touraine, là où se situe l’action du roman. C’est dire s’il connaît bien les vins de Loire, la douceur angevine, le parler impeccable de ses habitants et la noirceur de l’âme des hommes. Il n’y a pas d’invraisemblance dans l’histoire et son déroulement est plutôt cohérent, resserré autour du meurtre et de l’enterrement du pépé tant aimé. A.D.G., sous des allures parfois de gros bras, de charcutier à l’emporte-pièce, est un auteur pudique que la bassesse des hommes révulse. Il ne le crie pas sur les toits mais à sa façon, littéraire et distanciée, il le susurre de façon encore plus éclatante : « Ils avaient le pouvoir d’étouffer, d’engloutir, ils avaient l’habitude de mentir, de cacher, ils avaient la volonté de s’enrichir, la soif de jouissances, le dédain du commun. Ils étaient une bête monstrueuse… Ils avaient des femmes hautaines qui considéraient le pays comme un terrain conquis, peuplé de bonniches et de croquants… Leurs enfants étaient leurs dignes héritiers, snobs, puants… qui bénéficiaient de passe-droits et de privilèges indus… ».
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