Dans l’empilement des planches qui forment le cercueil haut de gamme d’une jeunesse égoïste, outrancière et stupide, Riad Sattouf, dans sa chronique dessinée, cloue le bec d’une faune urbaine bredouillant ses angoisses existentielles en langage SMS, basique et phonétique. On peut rire en jaune ou en noir mais il faut bien reconnaître qu’on y revient, sur ces planches habilement croquées, vives, précises, lisibles afin de les détailler mais il y a quand même un nuage nauséeux en voile de fond tant l’accumulation des travers humains semble sans lumière. Le second recueil de La vie secrète des jeunes débute par un appel téléphonique qu’une femme reçoit. Son compagnon de tablée lui demande de se calmer et prend le téléphone portable afin de s’expliquer avec l’interlocuteur qui est le frère de la femme. Filmée, une telle saynète aurait peu d’intérêt. Dessinée par Riad Sattouf, elle est saisissante. Les qualités d’observateur sont tout de suite évidentes. La vacuité est dans le regard de la femme, l’attitude de l’homme. Le comique de la scène provient du règlement de compte par téléphone interposé dans un lieu public entre une sœur et un frère, du compagnon attablé, malabar sortant probablement de prison, cherchant à calmer le jeu, impressionnant le frère par son calme apparent et la reprise du dernier mot de son entretien, clamée fortissimo par la sœur conquise : « Discrétion !!! ». La suite est aussi inventive et captivante. La dernière planche représente un père et son fils dans le métro, ligne 9. Le jeune enfant bredouille quelque chose et son père lui intime l’ordre de se taire : « Ah non chh ! » ; « Voilà : chut. Toujours : chut ». Le lecteur a envie d’en savoir plus sur ces vies secrètes, vaines mais tellement présentes au quotidien.
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