[Très grand merci et baisemain à l'amie Ingannmic]
J'adore l'imposture et les histoires d'imposture. J'adore Romain Gary aussi, et n'est-ce pas dès lors superflu de mentionner l'imparfait du subjonctif... ?
A part l'appréciation du splendide déroulement de sa trame et la jouissance stylistique, je me suis posé deux questions tout au long de la lecture :
1- quelle était la proximité sentimentale ou carrément intellectuelle entre l'imposteur Gary et son personnage principal et éponyme ?
2- sachant que le personnage d'Armand Denis est fictif (bien qu'il ait existé un réalisateur de documentaires portant ce nom qu'il est fort possible que Gary ait connu personnellement), tout comme la "note bibliographique" de fin de roman ; mais d'autre part devinant que l'auteur a dû mener des recherches historiques très sérieuses sur les mouvements anarchiste et nihiliste de la fin du XIX siècle ; Gary était-il dans son coeur plutôt l'ami d'Armand ou de Dicky Glendale ?
Ne nous arrêtons pas, en effet, au Gary proche de de Gaulle et compagnon de la Libération : c'est le raccourci qu'il a détesté longtemps et qui justement l'a poussé à ses nombreux travestissements. Peut-être, en effet, Gary fut-il réellement Lady L. passant d'Armand à Dicky surtout par dépit amoureux : songeons seulement au sourire...
Et pourtant Dicky est plus perspicace et surtout meilleur anticipateur - il mérite donc de gagner et l'autre d'être puni :
"Le moment est proche où, après une génération passée à observer ma façon de vivre dont je fais à dessein grand étalage, l'idée viendra tout naturellement aux foules de vouloir partager mes plaisirs, ou, tout au moins, de m'en priver. Je joue un rôle révolutionnaire dont vous avez tort de sous-estimer l'importance." (p. 145)
Bref : l'essence du libéralisme, comme le démontre en plusieurs livres savants Dany-Robert Dufour !
Je parlais de travestissements. Une autre géniale subtilité de ce livre, c'est d'avoir conçu une structure à deux niveaux concentriques, où le bal masqué revêt beaucoup plus que la simple fonction de point culminant du flash-back sur la vie cachée d'Annette-Lady L. : c'est presque un roman dans le roman. Il suffit d'en juger par la chute, elle aussi très réussie sur le plan symbolique outre que narratif.
Par contre cette note ne l'est pas, réussie, sans doute parce qu'elle présuppose la connaissance de, et s'appuie sur celle qui l'a précédée du même livre, que je vous convie chaleureusement à lire ou relire : elle vous donnera peut-être envie comme à moi.
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