Antonio Pennacchi le dit dans la 4e de couverture : ce livre est la raison pour laquelle il est venu au monde. "Canal Mussolini" est en effet une saga familiale fortemment inspirée de l'histoire familiale de l'auteur. Une saga épique et héroïque mais pas très politiquement correcte puisque la famille Peruzzi qui prête son histoire à celle de l'auteur est un vrai repère de fascistes !
Nous sommes au tournant des années 1900, la famille Peruzzi est une des nombreuses tribus paysannes de la plaine du Pô ; métayers, journaliers, ils ne sont pas proprètaires de leurs terres. C'est la pauvreté du berceau à la tombe. Tout le monde est socialiste ce qui va de soit dans ces terres "rouges" de Vénétie et D'Emilie-Romagnie. Les familles sont nombreuses car le rhytme élevé des naissances est une garantie de bras ; dès sept ans les enfants sont mis à contribution. Le clan des Perruzzi a alors le malheur, enfin la chance si l'on se place de leur point de vue,de faire la connaissance de Benito Mussolini. A l'époque ce n'était pas encore le "Duce" ; il mangeait du capitaliste a chaque petit déjeûner et ne jurait que par un pacifisme de bon aloi chez les socialistes.
Cette rencontre va changer le destin de la famille Peruzzi. Chassée de ses terres , dans les années trente, par les propriétaires terriens auxquels elle louait les terres, le souvenir ce cet épisode relaté à un proche du Duce (maintenant toute la famille Peruzzi est passée comme un seul homme du rouge au noir...), lui permettra d'émigrer dans les Marais Pontins que Mussolini venait d'assécher. Là elle sera enfin propriétaire comme des milliers de colons de l'Italie du Nord transplantés de la Plaine du Pô au Latium. Mouvement inverse de celui que l'on verra s'éffectuer après la seconde guerre mondiale : le Mezzogiorno "montant" dans le Nord pour trouver du travail.
Pennacchi brosse avec maestria cette saga familiale . Sans s'embarasser trop de savoir si le lecteur se retrouvera dans les multiples acteurs familiaux, les faits historiques, les doubles points de vue. Car si le fond semble assez limpide, une histoire d'une famille pauvre de paysans dans l'Italie fasciste, la forme peut dérouter ; il use (et abuse) de l'invective au lecteur, le prenant à témoin du moindre fait de ses heros. Il s'invite donc dans le "roman" avec comme justification qu'il est justement un des Peruzzi. Le narrateur certes, mais quand même ! on découvrira d'ailleurs à la fin du livre QUI est justement ce fameux narrateur !
Il n'en reste pas moins que j''ai aimé ce livre même si , parfois, une certaine gêne s'est insinnuée entre les lignes au fur et à mesure de la progression de ma lecture. Car les fascistes (toute la famille Peruzzi est fasciste puisque Benito est leur sauveur et ange gardien ! ), ne sont pas dépeints sous un jour particulièrement repoussant. Certes ce n'est pas un régime politique de bisounours : on se méfie, on cache ses opinions socialistes, il est recommandé d'être en règle avec le "fascio" et il faut envoyer ses enfants chez les "Balila" l'équivalent (édulcoré) des jeunesses hitlériennes. Et jusqu'au déclenchement de la seconde guerre monddiale l'Italie s'accommode plutôt bien des jactances prétentieuses du nouvel Imperator. La guerre va être le révélateur de l'imposture. Pennacchi , et là il se rattrape (une rédemption tardive ?), va tout nous déballer : l'impréparation de l'armée italienne, le matériel obsolète (notamment l'aviation alors que dix ans avant, avec Italo Balbo l'aviation italienne était une des premières du monde),les humiliations militaires en Libye et surtout en Grèce, les simagrées de Comedia del arte de Ciano et de son beau-père (Mussolini)....bref tout ce qu'on connait déjà par les livres d'histoire mais vu à travers les yeux des Peruzzi ; notamment les fils , nombreux, mobilisés.
Finalement (ça doit se voir dans mon commentaire) j''ai peut-être plus aimé ce livre pour son explication limpide , et sans "à priori" de l'histoire récente de l'Italie (un pays que j'aime beaucoup) que pour cette saga familiale qui en rappelle tant d'autres. Disons que l'on comprend mieux l'Italie actuelle après avoir lu ce livre.
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