J'avais été plutôt déçu par le dernier roman de Russel Banks (La Réserve). Ce nouvel opus ne m'a pas vraiment réconcilié avec le grand écrivain américain. Cela commence bien pourtant : le Kid (on ne le connaîtra que sous ce pseudo...) est un jeune homme de 21 ans qui a été condamné pour "crime sexuel" ; je mets crime entre guillemets car on apprendra dans le cours du roman que le Kid loin de correspondre à un clône de Dutroux s'est contenté de donner rencart sur le net à une ado de 14 ans...Il n'y a pas eu de "conclusion" mais pour les tenants puritains de l'Amérique seule l'intention compte. Et c'est sûr que le Kid avait certainement envisagé autre chose que de jouer aux petits chevaux avec "Brandi 18"... Le résultat c'est une condamnation à six mois de prison puis l'obligation de porter un bracelet électronique pendant dix ans avec interdiction de vivre à moins de 800m de lieux pouvant accueillir des enfants .
Le seul endroit possible est un endroit improbable situé sous des voies d'autoroutes : "Le viaduc". Là se réunissent tous ceux qu'une même condamnation pour crimes sexuels a jeté hors de la société. Russel Banks décrit magnifiquement l'atmosphère délétère et oppressante de cette micro-société composée de personnages souvent pitoyables et amoraux.
Le Kid habite là (sa mère l'a rejeté en apprenant la condamnation). Il vit de petits boulots, son seul ami est un iguane "Iggy".
Le grand talent de Banks c'est de nous peindre le Kid de façon à que naisse l'empathie du lecteur avec cet "encore" ado. Car le Kid n'a rien de la petite frappe sûre d'elle et vindicative que l'on s'attendrait à rencontrer avec un tel pédigree. Enfant de l'Amérique profonde (lieu commun bien pratique...) nous l'avons déjà rencontré dans nombres de romans et de films US.
Père inconnu, mère irresponsable et nymphomane, études piteuses,pas d'amis , petits boulots, engagement dans l'armée et...expulsion de l'armée. Car le grand problème du Kid déjà à cette époque c'était le sex ! non pas le sex triomphant appolonien mais le sex honteux qui s'ébat sur internet. Le Kid passait des journées entières à mater des vidéos pornos sur le web. Et la distribution de DVD pornos à ses copains de chambrée à l'armée à mis un terme à sa carrière militaire.
Puis apparaît dans la vie du Kid le second personnage essentiel du roman : le professeur . "Alamasse" comme le prénomme le Kid tant il semble être une caricature du "gros" américain. Je ne développerai pas ici tout ce qu'implique l'introduction de ce personnage dans le développement et la finalité de l'oeuvre. C'est juste un prof de sociologie qui enquête sur les délinquants sexuels, mais c'est aussi beaucoup plus...
Sachez que dans ce roman vous aurez également l'opportunité d'assister à un ouragan, à une descente musclée de flics,à des supputations de complotage (la fameuse théorie du complot...). Vous ferez la connaissance d'une brave chienne (Annie) et d'un perroquet bavard (Einstein). Enfin , à la fin du livre, vous ferez connaissance avec un clone de Hemingway qui me semble bien porter la parole de Russel Banks.
Quand je disais que le roman commencait plutôt bien je sous-entendais donc qu'il finissait ... moins bien. Les deux cents premières pages consacrées à la vie et à l'histoire du Kid sont épatantes. Mais après je me suis surpris à me demander si Russel Banks n'avait pas eu quelques problèmes pour continuer et finir son roman ! d'où l'apparition du professeur, du journaliste et aussi ces coïncidences "extraordinaires" que vous découvrirez si vous le lisez. Même dans le style et les dialogues il y a une incroyable niaiserie (lorsque le Kid se trouve avec le journaliste dans le marais de Panzacola).
Certes j'ai bien compris que ce livre était aussi un livre de combat, de témoingnage. Sur You tube on voit Banks expliquer cette Amérique obnubilée par le sex, par le Bien, le Mal... L'Amérique de la liberté où l'homme est tellement libre qu'il est responsable de tous ses choix et actes...mais sans possibilité pour sa défense d'invoquer le déterminisme où le hasard !
Mais j'ai aussi bien compris que Banks nous a édulcoré un peu son propos. Le Kid n'a rien à voir avec un "pointeur" de petits garçons et de petites filles ; et Banks éllipse à tout va sur ce sujet : car il aurait pu prendre comme "héros" un "Dutroux", un de ces malades comme l'Amérique doit en avoir tant. Reste un constat amère : internet et la surveillance électronique ! et c'est là -dessus que Banks semble le plus crédible. Transparence des vies, surveillance des vies....
Autre constante de Banks : les réflexions sur le mensonge. Là aussi un théme récurrent dans ses romans. Je n'ai pas trop adhéré... Le côté artificiel de la construction de la fin du roman m'apparaissant trop clairement.
J'ai vraiment pesé et soupesé ma note de 3.5. Ce n'est pas un roman qui m'a déplu mais j'ai trop senti les ficelles.
Enfin , juste en apparté : Gabriel Matznef serait déjà en prison pour la vie aux USA !
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