D'emblée, "Les gommes", roman de l'écrivain Alain Robbe-Grillet, se pare d'une ambiance théâtrale.
Certains détails du décor font l'objet d'une attention approfondie, les gestes des personnages sont décrits avec minutie, et la façon un peu caricaturale d'évoquer leurs particularités semblent les figer dans un rôle déterminé à l'avance.
Le récit en acquiert un caractère que l'on dirait factice, qui invite le lecteur à l'appréhender avec une sorte de distance amusée et curieuse.
Et tout est à l'avenant...
L'intrigue policière, utilisée comme point de départ de l'histoire, n'en est pas vraiment une, la victime de l'assassinat soi-disant perpétrée étant saine et sauve. Ce qui n’empêche pas le commissaire Laurent et l'étrange agent Wallas de mener l'enquête, échafaudant les hypothèses les plus diverses, voire les plus improbables quant au mobile et aux circonstances du crime qui n'a pas été commis...
Au cours de ses investigations, Wallas semble tourner en rond, désorienté, dans la ville où se déroule l'action, une ville du nord à l'atmosphère brumeuse, bordée par un canal dont la levée de l'écluse rythme le récit, et dont les commerces sont souvent fermés, peu engageants derrière leurs vitrines poussiéreuses.
Un boulevard circulaire ceint cette triste cité, qui ramène sans cesse notre enquêteur à son point de départ, à l'instar de l'histoire elle-même qui effectue de réguliers retours en arrière.
L'auteur semble perdre le fil du récit en se noyant dans des détails insignifiants, comme si l'intrigue n'avait finalement aucune importance, que la narration constituait une fin en soi, et non un moyen de dérouler la dite intrigue.
Entre polar d'opérette et exercice de style, Alain Robbe-Grillet nous livre un roman fascinant, qui dissimule sa parfaite maîtrise sous une apparence d'absurde légèreté qui le rend fort plaisant.
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