Plutôt déçu, comme C-Maupin, par la simplicité des articles, assez superficiels et répétitifs. Dans la première moitié du recueil, j'ai eu le sentiment de ne pas apprendre grand-chose aux étymologies grecques et latines évoquées. Ensuite, écartée la motivation de l'apprentissage, je me suis laissé bercer par la petite musique narrative qui surgit souvent d'associations lexicales parfois inattendues parmi ces familles de mots, de "tours" (ou tournures), d'expressions et de locutions pourtant familières. Un certain plaisir pour la démarche, en somme, malgré les inconvénients de la forme des articles.
Par contre, j'ai été profondément gêné, souvent indigné par l'incessante remarque très mesquinement didactique sur le mauvais état de santé de la langue française. J'y retrouve la marque de l'institutrice du siècle d'avant, qui se refuse à sortir du manichéisme : "bon usage" (clarté, précision, voire grâce de la langue classique, telle qu'elle nous a été transmise par le théâtre racinien) vs. "fautes", multiples et diverses, mais notamment par simplification, familiarisation, argotisation, ainsi que par invention de vocabulaire, notamment abstrait, assimilé vertement à du pédantisme.
J'ai beaucoup de respect pour feue Madame de Romilly. J'ai de la familiarité avec cette néfaste vision professorale au crayon rouge-et-bleu. Je connais mon ignorance du bon usage et commets de multiples fautes dans ma vie, dont celles de langue(s), et ne me soustrais point aux formes de pédantisme ci-dénoncé, vis-à-vis desquelles j'éprouve même parfois une certaine délectation.
J'ai toutefois un trop grand amour des langues pour vouloir leur refuser, sans appel, tout ce qu'elles contiennent de richesses socio-linguistiques, connotatives, rythmiques, dynamiques et évolutives, et dans les multiples intentions (y compris affectives, ou identitaires, ou transgressives, ou artistiques) des locuteurs de tous les temps. Je demeure persuadé qu'il existe de multiples facettes même psychologiques expliquant l'apparition des dysorthographies, qui ne sont pas les ennemies de la langue. Je souscris à une verticalité de celle-ci, dans laquelle nous nous inscrivons tous, dès la naissance ou ensuite, sachant bien entendu que la langue nous précède et qu'elle nous succédera, qu'elle nous dépasse toujours car notre maîtrise à tous, dans toutes nos langues, est inévitablement autant perfectible que réversible. Je crois que la langue nous traverse et qu'elle ne saurait être mise en danger par les modifications que nous lui imprimons, individuellement ou collectivement, ne serait-ce que par ignorance ou par paresse ou par caprice. Car tout cela aussi fait partie d'une vitalité qui, a contrario, fait défaut aux langues mortes - la mort étant de toute chose le suprême danger...
Si enfin la langue est un monument plus pérenne que le bronze, qu'elle soit donc une statue équestre, sur laquelle les pigeons de toutes races et couleurs se posent et défèquent !
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