Misery Chastain est morte. Tuée par Paul Sheldon. Qui ne la supportait plus. Fini les best-sellers romantiques dont elle était l'héroïne ! Enfin libéré de son personnage, l'écrivain Paul Sheldon va pouvoir se consacrer à des romans plus "sérieux", de la "vrai" littérature !
Mais pris dans une tempête de neige, Paul est victime d'un grave accident de voiture. Les deux jambes brisées, il est secouru par Annie Wilkes, une ancienne infirmière qui, plutôt que de l'amener à l'hôpital, décide de le soigner chez elle. Car Annie a reconnu Paul, le créateur de son personnage favori, Misery Chastain. Elle se définit même comme "son admiratrice numéro 1" ! Et elle est bien décidée à le pousser à ressusciter Misery, quitte à employer des moyens extrêmes pour l'en convaincre, si nécessaire. Alors, cloué dans sa chaise roulante, Paul Sheldon fait revivre Misery. Il n'a pas le choix...
Je trouve que Stephen King n'est jamais aussi efficace dans l'épouvante que quand il ne recourt pas à l'artifice du fantastique. Ni montres, ni fantômes dans
Misery, juste de la tension qui va crescendo, de l'angoisse qui petit à petit vire à la paranoïa, à la terreur pure ! Car malgré un début un peu lent,
Misery est un huis-clos particulièrement efficace et effrayant, parfois même dérangeant et presque insoutenable lors de certaines scènes généreuses en hémoglobine. Le récit de cet homme immobilisé qui se retrouve livré à la merci d'une femme que l'on soupçonne à tout moment sur le point de basculer dans la folie absolue est vraiment terrifiant ! A la fois horrifié et fasciné, on assiste, impuissant, à cette descente aux enfers démente où la torture psychologique imposée à Paul devient presque plus insupportable que sa souffrance physique, le menant lui-même au bord de la folie.
La caractérisation des deux personnages principaux est remarquable, autant celle d'Annie qui révèle petit à petit une personnalité noire et complexe, que celle de Paul Sheldon et son dilemme ; souffrir atrocement mais rester maître de son œuvre ou voir sa souffrance apaisée mais abdiquer sa liberté de créateur ?
Ainsi Stephen King entrecoupe les moments terrifiants de son récit d'intéressantes observations sur la l'écrivain et son public, et sur le processus créatif : sa force d'attraction, ses défis, ses satisfactions et ses déceptions, l'angoisse de la page blanche, la crainte de décevoir son lectorat, la peur d'être "dépassé" par son héros...
Misery est donc à la fois un très bon roman d'horreur, vraiment terrifiant (doté de plus d'une touche appréciable d'humour noir), et une intéressante réflexion sur l'écriture.
le cri du lézard