Roman historique bien construit et documenté, il s'agit de l'anabase et catabase d'un peintre dans des sociétés qui ne peuvent accepter son altérité. Né Juif ottoman, il évolue en pleine Renaissance - et son esprit en possède toutes les caractéristiques, y compris le rapport au religieux - entre Constantinople où il ne pourrait peindre sinon comme moine orthodoxe, et Venise d'où il sera rejeté, au faîte de sa gloire, pour des raisons proprement identitaires qui dépassent le prétexte de la religion. Il s'agit en outre d'un roman sur la peinture, sur la politique, sur la philosophie du XVIe siècle.
La langue est simple mais précise, méticuleuse même lorsqu'il s'agit de rendre l'altérité des lieux et des personnages, au point que parfois, dans certaines descriptions et dialogues conçus sans doute en turc et en italien, j'ai presque eu la sensation lointaine d'une traduction. Mais d'une exquise traduction, de celle dont Walter Benjamin aurait pu dire :
"[...] elle appelle l'original en cet unique lieu où, à chaque fois, l'écho dans sa propre langue peut rendre la résonance d'une oeuvre de la langue étrangère."
Or il ne s'agit pas de traduction. Mais d'empathie. De cette sorte d'empathie qui ne peut surgir que dans la meilleure littérature migrante... (mais là, je confesse que je verse dans mes propres projections et obsessions...)
La conclusion, une abdication à l'orgueil qui lui offre la pacification ultime avec son passé, est un peu surprenante - pas du tout Renaissance, elle ; enfin : à peine, car nous sommes des post-modernes, nous, un peu, quand même...
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