Un curieux bouquin. Un curieux polar (puisque c'est le premier de J. Leroy a être publié dans la "Série noire"). Disons le tout de suite je n'ai aucune sympathie particulière pour l'extrème droite ni pour la droite en général ; et pourtant je n'ai pas pu m'empêcher d'avoir quelque empathie avec les deux héros fascistoïdes du livre de Leroy, plus particulièrement avec Antoine, le littéraire, l'écrivain manqué, le prof brillant mais par trop hanté par l'action et la violence physique.

Résumons vite la trame. La France est à feu et à sang. Les banlieues explosent ; au propre et au figuré. L'armée ne parvient pas a endiguer les flots de violence. La TV décompte au fil des heures le nombre de morts, déjà 700. C'est la guerre de tous contre tous, c'est la libération des haines enfouies. C'est la France du début du 21e siècle. Au pouvoir un gouvernement de droite classique (lire UMP...) est aux abois. La solution pour que tout rentre dans l'ordre ? faire entrer le parti d'extrème droite "Le bloc national" (lire le Front national....) dans le gouvernement en lui proposant quelques ministères.
Le roman se déroule sur une nuit entière, la nuit de toutes les tractations et compromissions que devront faire les uns et les autres.
Dans ces tractations il y a une condition que la chef du "Bloc national" devra faire si elle veut avoir ses dix ministères : éliminer l'âme damnée du parti : Stanco. Stanco le chef des Groupes de protections , l'ouvrier des sales besognes,l'alibi parfait pour se dédouanner de fascisme. L'on ne sait pourquoi Stanco doit mourrir mais la suite de l'histoire nous l'apprendra, distillée avec grand talent par Jérome Leroy.
Alter ego de Stanco, Antoine, le mari de la chef. Autant Stanco est un ancien prolo à la vie cahotique et qui n'a dû qu'à l'armée de ne pas sombrer dans la délinquance, autant Antoine est un représentant émérite de la bonne bourgeoisie catho de province . Ces deux là se sont rencontrès et compris lors de stages militaires. La violence les a rapproché. L'un causée par le spectacle de son père licencié de Usinor à Denain dans les années de réajustement économique des années 80 , l'autre par le dégoût de sa tiède famille et la fréquentation de quelques anarchistes de droite grenouillant dans les universités aux abords des années 68.

Par ces deux voix, par chapitres alternés, J. Leroy va nous raconter toute l'histoire du Bloc. Par le haut par la voix de Antoine, par le bas par celle de Stanco.
Le livre n'est pas innocent. Le Bloc c'est bien sûr le Front national, sa chef c'est Marine Le Pen, Roland Dorgelles c'est Jean-Marie Le Pen. A travers les discours des deux "héros" nous retrouvons des figures anciennes et actuelles du Front à peine déguisées. Gollnish, Mégret, les Stirbois.....
J'ai cherché les stéréotypes, tellement faciles avec un tel sujet....Or tous les personnages semblent finalement ne se mouvoir que pour la maîtrise du pouvoir, d'un pouvoir, comme dans n'importe quel autre parti politique. Pas de grandes déclarations antisémites, pas d'allégations ouvertement fascistes, même l'islamophobie est noyée dans une laïcité revendiquée haut et fort. Et c'est peut-être en cela que ce livre est....dangereux. Car qui n'a pas fulminé une fois contre ces gouvernements d'incapables, de politiques vendus au grand capital,ces technocrates de Bruxelles,cette mondialisation désespérante... ? Cela s'appelle du populisme paraît-il . Certes, mais il n'empêche qu'il restera toujours une part de vérité dans ces récriminations. Jérome Leroy ne s'est d'ailleurs pas trompé de cible. Stanko, s'il a mal tourné c'est en partie à cause de cette politique de braderie de l'outil industriel qu'ont initiée les socialistes avec l'arrivée de Fabius au pouvoir. Et seul le parti communiste trouve grâce aux yeux d'Antoine pour son activisme comme pour ses convictions tranchées. Car ce que semble vomir le plus nos deux "héros" c'est bien la tièdeur de la "démocrassouille "! et cela nous rammene vite à des années passées maintenant par pertes et profits puisque, parait-il , on "apprend plus ça à l'école" (si, si j'ai testé des lycéens de terminale...), je veux donc dire les années d'avant guerre (1939...) , 1934 par exemple....
Donc (terminons....) , un livre passionnant certes, mais dont j'ai eu du mal à sortir une note de lecture qui ne paraisse pas ambigüe. Le genre de livre qui peut ouvrir beaucoup de discussions comme beaucoup d'anathèmes....

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