Ce n'est pas une biographie mais ça y ressemble. François Laut,d'origine hélvète comme Nicolas Bouvier, se fait guide dans le monde du célèbre Suisse errant. Dans un style parfois elliptique parfois flamboyant il va jouer le "Monsieur Loyal" du cirque bouvierain. Après avoir lu "L'usage du monde" et l'avoir adoré j'ai longtemps cru que Nicolas Bouvier aurait pu être mon frère dans ces seventies où moi aussi je parcourais le monde ; erreur funeste ! je n'étais à cet époque qu'un clône du "gringo" de la chanson de Lavilliers (Sertao) ! Nicolas plus vieux de vintg ans avait dès le départ mis la barre très haut : ça sera voyage ET littérature, voyage ET poèsie . C'est le mérite de François Laut de décortiquer les contradictions de Nicolas Bouvier pour qui le voyage n'était absolument pas "voyage en soi". Ce suisse issu de bonne famille protestante restera toujours profondément attaché à son sol natal, à sa maison au dessus du Léman, à sa famille, à ses amis (Thierry Vernet...). Ce n'en est que plus étonnant de constater la rage qui l'anime dès qu'il est en voyage. Il a une volonté de fer ce rejeton de la bourgeoisie genevoise. Dans "L'usage du monde " il ne nous cachait rien de ses affres quotidiennes, Laut va plus loin, nous dévoile par exemple la prostation mélancholique qui le saisit lors de son séjour à Ceylan dans les années 50. Perte d'inspiration poétique,atmosphère délétère d'un pays qui pourrit sur pied par le climat et par cette mentalité désenchantée d'un peuple nouvellement décolonisé. Tout cela se retrouvera quelques années plus tard dans le "Poisson-scorpion". Et puis ce coup de coeur pour le Japon, ses longues marches dans ce pays à peine sorti de la guerre.... Une empathie immédiate pour les japonnais et leur civilisation. De tout cela François Laut ne nous cache rien.
Mais Nicolas n'est pas de ces nouveaux aventuriers positifs qui déferlent chez les libraires à l'orée de l'an 2000 (Les Poussins,Sylvain Tesson,Bernard Ollivier..). Lui c'est encore la vieille école , tout juste s'il pense faire quelques photos de ses périples . Derrière la célébrité qui vient (tardivement...) il y a la face sombre omniprésente : dépression récurrente, addiction à l'alcool et au ...tabac (pas une photo dans le bel encart photographique où on ne le voit une clope à la main....). La fin sera triste bien sûr, triste et douce. Ce voyageur aux "semelles de vent" s'évanouira dans le "grand tout" veillé par sa femme son seul amour, son port d'attache.
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