A papilloner sur le net sur des blogs littéraires j'ai lu beaucoup de critiques mitigées sur le livre de Vincent Borel. Je me suis posé la question de savoir si nous avions lu le même livre....Personellement j'ai beaucoup aimé ce livre. Je ne connaissais pas cet écrivain ; à la lecture de la quatrième de couverture j'ai appris que l'histoire relatée était beaucoup inspirée par la vie de ses grands-parents, des espagnols émigrés en France par la poussée des armées de Franco.
Le livre (appelons le roman...) est bâti impéccablement avec la fin de l'oeuvre déjà en prémisse dès les premiers châpitres du livre. Le premier châpitre justement semble n'avoir pas de liens avec le reste du livre alors qu'il est primordial ; on découvre un petit monde de bobos branchés en villégiature à la Jamaïque ; il y a là un esprit fort qui se veut non politiquement correct en mettant en doute , dans une discussion d'après agapes ,l'existence des chambres à gaz. Le narrateur (Vincent Borel ? ) met en avant l'expérience de son grand-père qui fût déporté à Matthausen. Dans le groupe il est appuyé par le descendant d'une riche famille d'industriel lyonnais, les Gillet (ayant réellement existé ), qui lui narre la face sombre, et cachée, de l'indomptable ascension de ses ancêtres . Pendant la seconde guerre mondiale une de leur usine (Villers Saint Sépulcre, dans l'Oise) à travaillé pour les allemands en produisant du Zyklon B. Ils avaient d'ailleurs l'expérience de ce genre de production puisque l'on apprend que pendant la première guerre mondiale leurs usines produisaient déjà le gaz "moutarde", l'Ypérite qui fit tant de ravages des deux côtés.
A partir de là le roman s'élance durant quatre cents pages en deux trajectoires distinctes mais complémentaires qui se résoudront dans l'ajout par l'auteur des feuillets qu'écrivît son grand-père au retour de Matthausen. Il y décrit les atrocités que les nazis firent subir aux déportés en quelques feuillets qu'il s'obstinât à vendre en colportage dans les années 50. Et bien sûr il y parle des fameuses chambres à gaz...

Les deux trajectoires ce sont celle de Antoine et Isabelle ,l'un catalan l'autre andalouse , qui se rencontrent dans la Barcelone des années 20, et celle de la famille Gillet, les Paul, Jean,Edouard, Léonie l'imparrable douairière...Les chapitres du roman sont consacrés au fil du temps aux uns puis aux autres. On y voit la dure condition d'ouvriers et la résistible ascension du capitalisme lyonnais,l'engagement politique d'Antoine aux côté des communistes catalans et les petits arrangements entre amis avec les Dupont de Nemours , chimistes américains de haut vol. Vincent Borel ne juge pas, il laisse vivre son roman ; d'un côté ses grands parents , emblématiques de ces émigrés du "Frente Popular" passés par les immondes camps de transit français, de l'autre cette lignée de grands industriels frottés au catholicisme social mais quand même dur au petit peuple.

Enfin, last but no least, un style à la fois efficace et poètique achève de réjouir le lecteur. C'est un livre magnifique que je recommande .

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