Sidney Orr se remet doucement d'une longue hospitalisation suite à un collapsus qui a failli lui coûter la vie. Ce trentenaire New-Yorkais voit son inspiration d'écrivain renaître grâce à l'acquisition, dans une minuscule papeterie tenue par un chinois, d'un carnet bleu en provenance du Portugal, par lequel il se sent irrésistiblement attiré.
Par un procédé évoquant celui des poupées gigognes, le récit est la transposition de différentes histoires qui ouvrent les unes vers les autres : Sidney entreprend d'écrire un texte dont le héros, Nick Bowen, directeur littéraire, découvre le roman oublié d'une célèbre femme écrivain décédée quelques décennies plus tôt, intitulé "La nuit de l'oracle" . Nous suivons donc à tour de rôle les personnages de Sidney, de Nick, et du narrateur de "La nuit de l’oracle".
Grâce à la fluidité du style et à la maîtrise narrative de Paul Auster, "La nuit de l’oracle" est un récit complètement abordable, un dédale conçu de manière à ce que le lecteur n’y soit jamais perdu.
On y retrouve l’évocation de certains des thèmes chers à l’auteur et récurrents dans son œuvre.
Celui du hasard, tout d’abord, pour lequel il semble éprouver une sorte de fascination. Il est question ici de ces événements imprévisibles, parfois anodins, qui peuvent changer le cours d’une vie. Nick Bowen, tout comme Sidney Orr, ont échappé de justesse à la mort, ce qui les amène à reconsidérer le but de leur existence, à la recentrer sur ce qui leur paraît vraiment essentiel.
Il s'interroge aussi, par l'intermédiaire notamment du personnage de Sidney, sur la part de hasard qui préside à l’élan créatif. Peut-on déterminer l'importance qu'a ce hasard vis-à-vis de l'inspiration, et la distinguer de celle des influences inconscientes, basées sur les souvenirs enfouis de l’écrivain, les réminiscences des œuvres qu’il a lui-même lues, et dont il s'inspire sans s'en rendre compte ? Quels sont, en résumé, les mécanismes qui se mettent en place lors de l'écriture d'un roman ?
Paul Auster ne fournit pas véritablement de réponses à ces questions, préférant explorer différentes pistes. Tantôt, il suggère que l'oeuvre est surtout influencée par les événements de la vie réelle, et qu'elle est la conséquence de l'impact de ces événements sur l'écrivain. Tantôt il n'hésite pas à avancer l'idée que c'est au contraire la fiction qui s'impose à l'auteur, comme si elle avait une volonté propre. Les faits réels et ceux qui naissent de l'imagination sont ainsi placés sur le même plan, ou en tout cas séparés par une frontière très subtile. La fiction et la réalité s'interpénètrent, l'une se nourrissant de l'autre, et inversement !
C'est ce qui fait en partie l'intérêt de "La nuit de l'oracle" : chacun peut y glaner la théorie qui lui paraît la plus plausible, quant à la genèse de l'oeuvre littéraire, à son mûrissement dans l'esprit de l'auteur. On peut tout aussi bien, à l'image de Paul Auster, ne pas tirer de conclusion définitive et accepter la part de mystère -voire de surnaturel- qui préside à l'élaboration de l'oeuvre.
Voici un roman qui pousse à la réflexion sans lourdeur, d'autant plus que l'auteur mène son intrigue à la façon d'une enquête, énonçant des hypothèses, émettant des interrogations... le lecteur est ainsi en permanence sur le qui vive, impatient de connaître la suite de(s) l'histoire(s) !
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