Hélène Memel se trouve clouée par la douleur sur son lit d’hôpital après qu’elle ait subi une intervention chirurgicale anale, l’ablation d’hémorroïdes en forme de chou-fleur. Le quotidien de l’hôpital décrit trivialement, sans fard ni chichi, est enrichi par la patiente de retours en arrière sur sa vie où le sexe tient une place prépondérante. Elle expose ouvertement ses expériences, regardées en face, qui prennent ainsi un relief convaincant, l’auteur s’exprimant sans détour avec une spontanéité étonnante. Le vocabulaire est réduit mais il est précis et percutant. La phrase est courte, rapide. Le sens est saisi sans ambiguïté, immédiatement. La vivacité et la crudité du propos captent l’attention du lecteur sans répit. On passe de l’utilisation du smegma comme arme de séduction lascive ou encore de l’art du rasage des poils à la culture des noyaux d’avocat : « C’est mon seul passe-temps avec la baise ». Il y a une liberté de ton très plaisante et une émancipation d’une jeune femme qui fait plaisir à voir bien que l’excès frise parfois le ridicule ainsi quand elle parle des contraintes liées à l’hygiène : « […] les filles ne doivent jamais s’asseoir sur les toilettes chez les autres, ni dans les lieux publics. […] Moi, ça m’amuse énormément de m’asseoir systématiquement sur toutes les toilettes crasseuses… je nettoie tout le pourtour avec ma minette… j’absorbe tout ce que les autres ont laissé, que ce soient des poils, des taches ou des flaques de couleurs et de consistances diverses… Et je n’ai jamais eu le moindre champignon. » Voilà un exemple à ne pas suivre même s’il fait davantage sauter le carcan de la morale que la contrainte liée à l’hygiène, principe de prudence oblige ! Le livre est truffé de morceaux de choix, anecdotes insérées brièvement dans le récit qui pourraient presque se lire indépendamment et qui amusent franchement tant elles s’avèrent contraires aux bonnes mœurs et aux idées reçues. Pourtant, rien n’est à prendre au pied de la lettre et le propos émancipateur n’est guère généralisable tant la sexualité est intimement charpentée au vécu et à la personnalité de chacun. Toutefois, quelques vérités bonnes à entendre fusent parfois comme lorsqu’un parent divorcé tente de se concilier les bonnes grâces de son enfant en disant du mal de l’autre, mari ou épouse : « Mais ce que chacun d’eux oublie, ce faisant, c’est qu’il blesse toujours une moitié de leur enfant… ». Ce livre plein de viscosités et de sécrétions dégustées par la narratrice elle-même, directement du producteur au consommateur, du cérumen au pus, des menstrues et des croûtes de sang aux cachous du nez, du sperme et du smegma aux liquides jaunâtres dans les coins des yeux, mérite amplement son titre de « Zones humides » car c’est tout un écosystème que l’auteur décrit. Finalement, l’écœurement n’est même pas de mise, juste un amusement étonné quand trop c’est trop et une franche rigolade aussi parce que le style cru va droit au but quand le souvenir d’Hélène est particulièrement croustillant. Vite lu, donc mais pas oublié de sitôt !
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